David Cameron reconnaît avoir détenu des actions dans la société offshore de son père
Et la cinquième fois fut la bonne. Après quatre tentatives pour esquiver la question sur son patrimoine, le premier ministre a reconnu, dans la soirée du 7 avril, avoir détenu des parts dans la société offshore de son défunt père. David Cameron a admis avoir réalisé un bénéfice de 19,000 livres en vendant ses actions pour un montant de 31,000 livres. L’annonce ne clôt pas une nouvelle semaine qui l’a vu passer sur le grill concernant ses revenus et l’origine de sa fortune. Apôtre de la transparence totale et défenseur officiel d’une attaque en règle contre l’évasion fiscale, le premier ministre est sur la sellette. Des premières voix se font entendre pour réclamer sa démission.
Depuis les révélations du consortium de journalistes d’investigation liées aux fameux Panama Papers, David Cameron a senti l’étau se resserrer sur lui. Parmi les premières révélations figure le fait que son père, Ian Cameron, a créé et administré un fonds offshore basé au Panama : Blairmore Holdings Inc. Ce fonds n’a donc pas payé d’impôts pendant toute la durée de son existence. Sans être illégale, cette pratique est considérée comme immorale au Royaume-Uni, pays où la question morale a toujours été très importante. Dès le lundi, jour de la première salve de révélations, David Cameron a été questionné sur ses liens avec Blairmore Holdings. Le premier ministre a d’abord fait répondre qu’il s’agissait là d’une « affaire privée ».
Face à la montée en puissance des critiques, il s’est ensuite défendu d’avoir des parts ou de tirer profit de quelque fonds offshore que ce soit. Invité sur la chaîne ITV, jeudi 7, il a fini par concéder avoir détenu des parts de la holding jusqu’en 2010 et les avoir vendues peu avant son entrée au 10 Downing Street. « Je les ai liquidées parce que je ne voulais pas que l’on puisse dire que je poursuivais un autre agenda ou que j’avais des intérêts cachés », a expliqué le patron du parti conservateur, après avoir admis « traverser des jours difficiles ».
De fait, quelques heures plus tôt, alors qu’il intervenait à l’université d’Exeter, il avait dû faire face à une question dérangeante venant du public. Le Premier ministre avait décidé d’éviter la presse pour ne pas avoir à répondre aux journalistes sur ses liens avec les affaires de son père. Mais c’est du public que la salve est venue. Un étudiant lui a posément demandé :
« Comment comptez-vous travailler avec les autres membres de l’Union européenne pour combattre l’évasion fiscale, un sujet sur lequel vous disposez d’une expérience personnelle ? »
L’embarras de David Cameron était à la mesure du relais que cette question assassine a trouvé dans les médias britanniques, très friands de ce genre d’anecdote. C’est probablement cet échange inattendu qui a décidé le locataire du 10 Downing Street à reconnaître ses liens passés avec le fonds Blairmore. Il a admis avoir détenu des actions et les avoir vendues. Le protocole en vigueur à la chambre des communes oblige à déclarer les transactions dont le montant est supérieur à 70,000 livres. Même si la transparence, chère au cœur de David Cameron, aurait dû l’amener à signaler la vente des parts à hauteur de 31,500 livres, il n’a donc toujours pas enfreint les règles.
Il n’en sera pas quitte pour autant. Les interrogations montent à présent concernant la provenance des 300,000 livres que son père lui a laissées en héritage après son décès. Journalistes et membres du parlement veulent avoir des assurances qu’aucun de ces fonds ne provient de profits réalisés via des plateformes offshore. Un défi qui semble délicat à relever pour le premier ministre. Il est attendu de pied ferme à la chambre des communes. Le bouillant membre du parlement pour Leeds, Richard Burgon, l’a « invité » à venir s’expliquer dès le 11 avril. Le backbencher travailliste Tony Mann, membre de la commission du trésor, l’a invité à démissionner :
« David Cameron a été moins qu’honnête. Il devrait démissionner immédiatement. »
Dans un pays où le fait de se faire rembourser un ticket de parking pour un usage personnel sur les deniers de la Chambre vaut un avertissement public, on ne badine pas avec l’argent.
Our Prime Minister has been stealing from us. It’s very important that he resigns.
— lily (@lilyallen) 8 avril 2016
Un autre membre de la commission du trésor, le travailliste Wes Streeting a taclé méchamment :
« La crédibilité du premier ministre est en ruines. Après avoir affirmé qu’il n’avait rien à cacher, il a fini par reconnaître les faits. »
En 2012, David Cameron avait sérieusement pris à partie le comédien Jimmy Marr, soupçonné d’évasion fiscale. Il avait qualifié l’attitude de la star de « moralement mauvaise » et promis de sévir sur le sujet. Les investigations récentes témoignent de ce que, au niveau international, le Premier ministre a certes poussé l’Union européenne à durcir les règles en la matière pour les entreprises. Mais, il a par ailleurs, freiné des quatre fers pour les poursuites concernant l’évasion fiscale des fonds d’investissements… tels que Blairmore Holdings.
Ce vendredi le hashtag #resigncameron est en trending topic.
La semaine qui vient va être encore dure pour Cameron. Ce ne sera que la troisième consécutive.
Nathanaël Uhl
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Bonus vidéo : Lily Allen – Not Fair