Labour, Jeremy Corbyn devrait résister aux élections locales

L’opposition à Jeremy Corbyn est contrainte de remettre à plus tard la possibilité d’un coup d’état interne. Quels que soient les résultats des élections locales, le socialiste devenu leader du parti travailliste à l’issue d’une victoire sans appel, en septembre 2015, devrait être à l’abri de toute tentative de déstabilisation. Il se pourrait que la commission d’enquête diligentée par Jeremy Corbyn sur l’antisémitisme au sein du Labour éclabousse bien au-delà de sa cible initiale. Par ailleurs, le leader de Unite, premier syndicat britannique et principal bailleur de fonds du Labour, est monté au créneau pour défendre son allié. Enfin, les sondages témoignent d’un soutien écrasant de la base travailliste à son leader.

Tous les scenarii testés par les instituts de sondage convergent. Si une nouvelle élection venait à être provoquée avant terme pour désigner le leader du parti travailliste, Corbyn gagnerait une nouvelle fois. Et plusieurs études évoquent même un score plus important que celui que le membre du parlement pour Islington-North a réalisé à l’issue du leadership. Deux explications à cela. En premier lieu, aucune personnalité n’apparaît capable de fédérer face à Corbyn. De plus, il apparaît nettement que les militants du Labour souhaite donner du temps à celui qu’ils ont élu il y a moins d’un an.

Le PLP apparaît comme enfermé dans ses guerres intestines

Le PLP apparaît comme enfermé dans ses guerres intestines

Par ailleurs, une partie notable de la base travailliste semble mal vivre les crises à répétition qui agitent un Parliamentary Labour Party (PLP, le parti parlementaire travailliste est une des trois composantes organiques du Labour) qu’elle juge déconnectée de ses propres réalités. Que ce soit le vote sur les bombardements en Syrie ou, plus dernièrement, le scandale provoqué par les dérapages de Naz Shah et Ken Livingston sur la question d’Israël apparaissent comme des « coups » montés de toutes pièces pour mettre à mal un leader que le PLP n’a jamais vraiment accepté.

Len « Red » McCluskey, puissant patron du syndicat Unite, s’est fait l’écho de cette base lassée par les guerres intestines du PLP. Il a accusé nommément Liz Kendall, candidate blairite malheureuse au leadership, Michael Dugher, ancien membre du shadow cabinet écarté par Corbyn, l’ex bras droit de Gordon Brown, Ian Austin, et le membre du parlement Wes Streeting d’avoir mené des interventions dont le but était de « dégrader l’image » de Corbyn. Ces quatre cadres travaillistes ont été parmi les premiers à accuser le leader du Labour de « laxisme » sur la question de l’antisémitisme. Ils ont également exigé que le parti puisse « remporter 450 sièges » lors des élections locales qui ont lieu jeudi 5 mai.

« Donc, celle qui a fait 4.5% lors du leadership nous explique qu’il faut impérativement gagner 400 sièges, a ironisé Len McCluskey. Nous n’avons pas de leçons à recevoir de gens qui s’amusent à poser des pièges sans fondements. »

Le leader travailliste en campagne

Le leader travailliste en campagne

Les dernières élections dans les councils, en Ecosse et au Pays-de-Galles ont eu lieu en 2011. Elles s’étaient traduites par une victoire inattendue du Labour qui a enregistré, alors, ses plus hauts scores lors de scrutins similaires. Le Labour se retrouve en position quasi hégémonique dans le Nord et dans les anciens bastions industriels. Par ailleurs, avec 2,632 candidats, les travaillistes constituent le parti qui présente le plus de candidats aux élections locales, avec 13 candidatures de plus que les tories et 870 de plus que les Lib-Dems.

Dans ce contexte, les travaillistes sont mathématiquement enclins à perdre des sièges. Reste à mesurer combien. Si les résultats globalisés (les scrutins ne représentent pas tout à fait la moitié de la population, tout mis bout à bout) font apparaître une hausse des pourcentages obtenus lors des élections générales et que la casse est limitée aux alentours de 150 à 180 sièges de conseillers, Corbyn pourra estimer bien s’en sortir. Surtout si le Labour parvient à préserver sa majorité au Pays-de-Galles, à conserver sa deuxième place en Ecosse et à remporter Londres.

McCluskey et CorbynCela signifierait que l’image du Labour – et de son leader – n’est pas trop dégradée aux yeux de l’opinion. Bref, un score de cette nature signifierait l’échec de la stratégie menée, jusqu’alors, par l’aile droite du Labour. La relation entre les travaillistes et l’électorat était en effet la cible des opposants à Corbyn, qu’ils jugent incapable de mobiliser en raison de ses « positions gauchistes ». En interne, ils savent que les jeux sont bouclés.

Outre les résultats des sondages sur la base militante, les blairites ont été confrontés à la montée au créneau de Len McCluskey, qui fait valoir ses droits de financier en chef du Labour. L’ancien docker a opportunément rappelé que le parti était « en dépression » avant que Corbyn ne se jette dans l’arène du leadership :

« Le problème avec Yvette [Cooper] et Andy [Burnham] – et Andy est un ami personnel – était qu’après la défaite du Labour et la démission d’Ed Miliband, ils n’ont rien offert. Leurs campagnes étaient vides, c’était la même vieille histoire, ils n’ont offert rien de différent. Jeremy Corbyn a rejoint la course et qu’est-il arrivé ? Mon Dieu, c’était une explosion. »

Len McCluskey a sorti l'artillerie lourde

Len McCluskey a sorti l’artillerie lourde

Quoi qu’il en soit du résultat des élections du 5 mai, Corbyn devrait donc rester leader du parti travailliste. N’en reste pas moins que celui qui s’est taillé une réputation en s’affranchissant des consignes doit à présent affirmer son autorité avec plus de vigueur. Ce qui s’appelle forcer sa nature. S’il continuait sur sa lancée, il serait, comme son prédécesseur Ed Miliband, confronté tous les semestres à une nouvelle rumeur de coup d’état interne.

Or, à trop se mobiliser sur le maintien de ses positions dans le parti, Miliband a fini par perdre le contact avec son électorat. Que cela ait entraîné la défaite du Labour aux dernières élections générales ne semble en rien gêner celles et ceux qui ont, en conscience, fait la peau d’Ed et qui rêvent de s’offrir le scalp de Jeremy.

Nathanaël Uhl


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