Brexit : la campagne référendaire vire à l’affrontement personnel
Le référendum pour ou contre le maintien du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne vire à l’aigre. Le parti conservateur affiche ses divisions et le débat prend une tournure très personnelle entre le partisan du maintien David Cameron et le Hérault du Brexit Boris Johnson. Ce vendredi 20 mai, plusieurs centaines de représentants du monde de la culture publient une lettre ouverte en faveur du maintien. Le Labour est toujours inaudible mais a décidé de mobiliser les jeunes, considérés comme une des clés du scrutin. Un choix qui pourrait être judicieux quand une étude montre qu’un étudiant sur cinq n’est pas inscrit sur les listes électorales et ignore la date du référendum.
Ce sont près de 200,000 jeunes inscrits à l’université qui n’apparaissent pas sur les registres de vote. La faute à une modification des inscriptions mise en place par les conservateurs après les élections générales. La plupart d’entre-eux vorent dans la vile où ils étudient mais le scrutin aura lieu durant les vacances universitaires. Mais les étudiants britanniques semblent aussi déconnectés du débat sur le référendum. Plus de 60% des interrogés ignorent la date à laquelle il aura lieu et quelque 54% ne savent pas qu’il se déroule en juin.
Le parti travailliste a donc décidé de s’adresser particulièrement à la jeunesse. Il tente de mobiliser des 18-25 ans qui se détournent de la politique. Il y a un an, lors des élections générales, seuls 45% de cette tranche d’âge a voté alors que la participation a atteint 66%. Corbyn entend profiter de son aura parmi les jeunes pour les mobiliser. Reste que, pour l’heure, le leader travailliste séduit la jeunesse conscientisée et elle est loin d’être majoritaire. Cela étant, le Labour tente de mener sa propre campagne référendaire en évitant les tribunes partagées avec les tories. Il évite de rééditer le précédent du référendum sur l’indépendance de l’Ecosse. Il avait alors fait campagne commune avec les conservateurs et en paie encore le prix fort.
Le Labour axe son propos sur l’Union européenne comme outil de défense des droits des salariés, à l’unisson de l’essentiel du mouvement syndical britannique. Ce faisant, il tâche de mobiliser en faveur du maintien les bataillons de la classe ouvrière du Nord de l’Angleterre qui au mieux resterait chez elle quand elle ne tend pas vers le brexit.
Mais c’est bien du côté des tories que l’essentiel du débat se concentre depuis la confirmation que référendum il y aura. Et, dans ce parti traditionnellement divisé sur la question, le débat prend les allures de « psychodrame », selon David Cameron lui même. Pour éviter de l’alimenter, il a refusé de participer à un débat télévisé avec les tenors du Brexit que sont ses anciens amis Michael Gove, secrétaire d’État à la justice, et surtout Boris Johnson, ancien maire de Londres. Le premier ministre cible particulièrement un « Bo Jo » réputé pour son opportunisme. Cameron a rappelé jeudi 19 mai que, dans ses discussions privées, Johnson « ne s’est jamais considéré » comme un partisan de la sortie de l’Europe.
Une attaque qui répond, à quelques jours de distance, aux accusations proférées par Johnson à l’encontre du Premier ministre. Alors que Cameron avait estimé que « le chef de Daesh devait sûrement se féliciter de ce que le Royaume-Uni puisse quitter l’Europe », « Bo Jo » a estimé que l’accord obtenu par le premier ministre avec l’Union européenne était « sans valeur » et destiné à endormir les Britanniques. L’heure est à l’escalade entre les deux hommes alors que l’ancien maire de Londres a bien du mal à cacher son ambition de remplacer Cameron au 10 Downing Street.
Mais Johnson est aussi son propre pire ennemi. La grande gueule de Westminster a franchi une ligne rouge en comparant le projet d’intégration politique au coeur de l’Union européenne et la visée hégémonique de Hitler. Difficile, face à ce genre d’arguments des deux côtés, de faire entendre une voix plus proche des réalités.
Alors que le débat est très centré sur les enjeux économiques, côté tories, plus de 250 personnalités de la culture ont publié le 20 mai une tribune défendant le maintien dans l’Union européenne. Des acteurs comme Benedict Cumberbatch et Keyra Knightley, des réalisateurs tels Dany Boyle, des écrivains comme John Le Carré ou des chanteurs ont défendu l’idée que le rayonnement intellectuel et culturel de la Grande-Bretagne est plus important avec l’Europe.
Silvère Chabot