Chez les conservateurs, la guerre de succession commence en mode mineur
Pendant que le Labour est plongé dans la guerre civile, le parti conservateur ne va guère mieux. La succession de David Cameron à la tête du Parti s’organise, certes, mais les appétits se réveillent. Et les deux camps du référendum : le maintien et la sortie, fourbissent leurs armes. Les partisans du Brexit estiment que le futur chef des tories ne peut qu’être issu de leur sensibilité ; George Osborne, encore chancelier de l’Echiquier, plaide pour que le futur premier ministre appartienne au camp du maintien. Pour l’heure, c’est un round d’observation, puisque tous les candidats ne sont pas encore déclarés.
Mais, déjà, les candidatures fleurissent, des plus sérieuses ou plus loufoques. Ainsi, Jeremy Hunt, qui plaide pour un second référendum sur le maintien dans l’Union européenne, envisagerait sérieusement de présenter sa candidature. L’homme qui a mis le National Health Service (service national de santé) sans dessus dessous, à propos des contrats des Junior Doctors, ne manque pas d’humour.
Lundi 27 juin, le 1922-Committee, qui rassemble les membres conservateurs du parlement, a déterminé le calendrier de désignation du leader tory : les candidats ont jusqu’au 30 juin pour se déclarer. La semaine suivante, le groupe parlementaire fera le tri et les deux candidats arrivés en tête feront campagne auprès des adhérents du parti. Le résultat sera annoncé le 2 septembre. Le 2 octobre, le nouveau leader des conservateurs sera désigné premier ministre. Il pourra, si nécessaire, déclencher de nouvelles élections générales dès le 13 octobre.
Ce calendrier à toutes les allures d’une guerre éclair. L’opposition se débattant dans des querelles internes, on comprend mieux ce choix. Quelle que soit l’issue du conflit en cours, le Labour aura bien du mal à être en ordre de marche pour chasser les tories du pouvoir.
Comme souvent, quand le pouvoir est à portée de main, les candidatures éclosent telles les boutons de rose du Yorkshire. Le Work and Pensions Secretary Stephen Crabb ; le Business Secretary Sajid Javid ; Jeremy Hunt ; Theresa May et Boris Johnson, ex maire de Londres et héraut du Brexit, ont fait connaître leur appétit pour le poste convoité de leader conservateur. Mais d’autres sont aussi en embuscade, telle Priti Patel, elle aussi membre du Cabinet et étoile du Brexit.
Dans la configuration actuelle, Boris Johnson apparaît toujours le mieux placé pour succéder à David Cameron. Quand bien même nombre de barons du groupe parlementaire conservateur voient d’un mauvais œil les agitations du clown, il demeure le favori d’une base gagnée par l’euroscepticisme et en plein repli identitaire. Il faut relever que Bo Jo se fait pour l’heure discret. Mis à part une partie de cricket le week-end dernier, on ne l’a guère vu dans les médias. Il semble plus préoccupé de poursuivre, dans les couloirs de la chambre des communes, une nouvelle campagne, interne cette fois-ci.
Malgré tout, Boris Johnson n’est pas du genre à vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Et il a pris connaissance du dernier sondage YouGov donnant 31% des intentions de vote conservatrices à Theresa May, l’autre favorite et issue du camp du maintien, contre 24% pour lui. Il sait aussi que sa personnalité clivante lui joue des tours. Ainsi, la leader des Scottish Tories, Ruth Davidson, étoile montante du parti depuis qu’elle a ravi au Labour la 2e place au parlement écossais, a clairement averti : si Johnson est élu leader des conservateurs, la branche écossaise du parti fera sécession.
Le dauphin officiel de David Cameron, George Osborne, est, lui aussi, plus que discret. La tête pensante de l’ex premier ministre a vu ses espoirs sérieusement douchés depuis que plusieurs des mesures phares de ses deux derniers budgets ont été retoquées, souvent par la base des membres conservateurs du parlement. Il est également emporté dans la chute de Cameron. Pourtant, samedi 25 juin, ses amis tentaient de sonder l’humeur des MPs en vue d’une éventuelle candidature. Les parlementaires favorables au Brexit promettent qu’il n’a pas une seule chance d’être élu.
En fait, si le successeur de Cameron était désigné par les membres du parlement, l’encore chancelier de l’Echiquier pourrait croire à la victoire. Mais le leader doit aussi bénéficier du vote des adhérents. Et là, le bât blesse sérieusement pour Osborne. Le militant tory de base est souvent rancunier. Et il pense que les affres dans lesquelles est plongé le parti conservateur sont en grande partie liées aux choix aventureux de celui qui était, jusqu’à jeudi dernier, l’idéologue du Cameronisme.
Silvère Chabot et Nathanaël Uhl