Labour leadership : l’organe de régulation travailliste place Corbyn dans la course
Le parti travailliste s’enfonce un peu plus dans le psychodrame. Après quinze jours de crise, lundi 11 juillet, Angela Eagle s’est officiellement déclarée comme candidate au leadership du Labour face au leader élu, Jeremy Corbyn. Forte de ses 51 signatures, la membre démissionnaire du Shadow cabinet rend obligatoire un nouveau vote des membres du parti travailliste. La déclaration d’Eagle a eu pour effet de provoquer une réunion en urgence du National Executive Committe (NEC , le comité exécutif national), l’organe de régulation du parti. Cette rencontre déclenche la course au leadership en définissant le calendrier, le corps électoral et… les candidats. A l’issue d’une réunion trèslongue et d’un vote à bulletins secrets, le principe de la candidature de Corbyn a été acté. Il n’aura donc pas besoin de présenter 50 parrainages en plus de sa propre signature.
La candidature automatique du leader sortant a fait l’objet d’interprétations contradictoires depuis près de deux semaines. Neil Kinnock, ancien leader du parti, qui a fait l’objet d’un challenge de la part de Tony Benn en tant que représentant de la gauche travailliste, affirme que Corbyn doit, comme il l’avait fait alors, réunir des parrainages. De son côté, le syndicat Unite, principal soutien du leader actuel, affirme que sa présence sur le bulletin de vote est automatique. Il cite, à l’appui de sa position, une analyse juridique produite par un grand cabinet d’avocats.
Il faut rappeler qu’en 2010, après son élection, Ed Miliband a fait modifier les statuts du parti travailliste. Il a notamment changé les règles de désignation du leader en introduisant le principe « un membre une voix ». En cohérence, le mode de challenge du leader en poste aurait lui aussi évolué. La clause 2 du chapitre 4 des statuts du Labour prévoit explicitement le principe des nominations pour les challengers, mais ne dit rien pour le leader en place. C’est cette absence de précision qui génère l’ambiguïté.
D’ores et déjà, les représentants légaux de Jim Kennedy, délégué au NEC de Unite, le plus puissant syndicat du pays et premier financier du Labour, ont écrit à Iain McNicol, le secrétaire-général du Labour, pour le prévenir d’une action en justice si Corbyn était écarté de la course au leadership.
L’absence du leader élu sur les bulletins de vote a été caractérisé, par le patron du même syndicat, Len McCluskey, comme un « arrangement sordide ».
La confrontation est donc loin d’être finie. Même si, en fin de journée, les deux camps en présence semblent s’être entendus pour ne pas porter l’affaire en justice. Owen Smith, lui aussi membre démissionnaire du shadow cabinet, pourrait, tout prochainement, se porter à son tour candidat au leadership.
Reste à savoir si la compétition se fera à trois ou si, après l’échec du lancement de la sienne, Angela Eagle décidera de retirer sa candidature en reconnaissant son échec. Elle a affirmé, lundi, qu’elle « ne se résignait pas à être battue ». Il existe encore un autre scénario possible. La membre du parlement pour Wallesay n’aurait eu de but que de lancer la procédure en vue du leadership et déciderait de se retirer au profit d’un candidat ayant plus de chance de l’emporter face à Jeremy Corbyn.
Les signes laissent à penser que la majorité des 130,000 personnes qui ont rejoint le Labour party depuis le 24 juin dernier serait en grande partie décidée à voter en faveur du leader en poste. A priori, la définition du corps électoral par le NEC pourrait les exclure du scrutin. Quoi qu’il en soit, sur facebook, Angela Eagle a appelé à rejoindre le parti travailliste pour soutenir sa candidature. De manière écrasante, les quelque 40,000 commentaires sur cette publication appelaient à voter pour Corbyn…
Plus inquiétant, le climat en interne se dégrade. Sans qu’il soit possible d’en imputer la cause à des membres du parti travailliste, les locaux de la permanence parlementaire d’Angela Eagle ont fait l’objet d’une agression. Peu de temps après l’officialisation de la candidature de la membre du parlement pour Wallasey, une brique en a brisé une des fenêtres tandis que ses collaborateurs recevaient des menaces. Le dimanche 10 juillet, c’est Jeremy Corbyn qui a fait l’objet de menaces de mort sur le réseau social twitter. Le leader a donc appelé, aujourd’hui, tous les adhérents et sympathisants du Labour à la raison.
C’est dans cette atmosphère délétère que s’est tenue la réunion du NEC. Une réunion qui, convoquée dans des délais très courts, a vu sa légitimité mise en cause par certains de ses membres. Une déléguée des trade unions au NEC s’est émue de ce que la convocation brusque de la rencontre risquait de laisser de côté certains de ses membres. Selon les derniers comptages, Corbyn dispose d’une majorité de 4 voix sur un total de 33. Dont le leader lui-même. Certains de ses opposants ont mis en avant un « conflit d’intérêts » pour tenter de l’empêcher de prendre part au vote.
Corbyn a finalement assisté et participé au vote. Malgré le vote à bulletin secret, le rapport des forces a été confirmé. Avec quatre voix de majorité, le nom de Jeremy Corbyn figurera automatiquement sur le bulletin de vote qui sera envoyé aux adhérents. Le bain de sang peut désormais commencer. A se rappeler ces trois derniers jours, les coups vont pleuvoir de part et d’autres. Pas sûr que le Labour en ressorte entier…
Silvère Chabot et Nathanaël Uhl