Labour leadership : les bulletins de vote commencent à arriver pour 650,000 adhérents
Au cœur de la tourmente, le parti travailliste ne s’est jamais aussi bien porté. C’est un des nombreux paradoxes de ce labour leadership. Ce lundi 22 août, les bulletins de vote commencent à parvenir aux 650,000 électeurs qui ont le droit de participer à la désignation du futur leader travailliste. Un nouveau record pour un parti qui ne cesse de voir grandir le nombre de ses adhérents. Le Labour est désormais le plus important parti réformiste d’Europe, grillant la politesse à son alter ego allemand, longtemps détenteur du titre. La campagne, elle, continue de mettre en lumière la rupture croissante entre la base militante et sa représentation parlementaire.
Ainsi, le week-end passé, Sadiq Khan, le nouveau maire de Londres, a apporté son soutien à Owen Smith, le challenger du leader sortant Jeremy Corbyn. La sortie de Khan a été d’autant plus mal accueillie par une partie des activistes travaillistes de la capitale qu’il avait promis de se tenir en dehors des querelles internes au parti. Moins surprenant, Kezia Dugdale, leader du Scottish Labour, s’est également engagée en faveur du candidat des « modérés ».
Si Owen Smith engrange chaque jour les ralliements de pontes du Labour, il ne peut que constater que la base lui échappe. C’est que le parti travailliste n’est, depuis le précédent leadership il y a un an, plus celui qu’il a connu. Outre l’arrivée massive de nouveaux adhérents, les militants de terrain ne sont plus uniquement les faire-valoir des membres du parlement. Ils entendent désormais avoir leur mot à dire, sur le programme du parti comme sur la désignation de leurs candidats. Et même leur manière de militer évolue.
Les néo-travaillistes qui ont rejoint le parti sur la base du programme politique de Corbyn instillent des modes d’action hérités de leur passage qui dans les People’s assemblies (les assemblées populaires qui structurent le mouvement social britannique), qui dans le mouvement pacifisite, qui dans les associations… Ils ont hérité de ces expériences la volonté de participer aux décisions plutôt que de se cantonner au rôle de distributeurs de tracts. Cette évolution était déjà palpable il y a un an, elle semble désormais irréversible. Et même l’équipe Corbyn aura du mal à maîtriser l’envie des nouveaux membres de procéder au renouvellement de leurs représentants. Au sein des Constituency Labour parties (les organisations travaillistes de base), chaque élection statutaire débouche sur l’accession de nouvelles têtes, souvent proches de la gauche, à la direction. Pas besoin d’être devin pour comprendre que le tour des membres du parlement pourrait bientôt arriver. D’autant que les chiffres du corps électoral pour le leadership ne seront pas ceux des scrutins internes à venir.
Ce 22 août, le parti travailliste compte donc 350,000 adhérents directs. Par ailleurs, 129,000 supporters ont acquitté la somme de 25 livres pour participer à la désignation de leur leader et 168,000 membres des Trade Unions ont opté en faveur du parti travailliste. Soit un corps électoral de 647,000 personnes. Il ne prend pas en compte qu’une partie des 130,000 Britanniques qui ont rejoint le parti en juin dernier et qui ont été privés de vote par décision du National Executive Committee (NEC, l’organe de régulation du parti). En effet, pas sûr que ces « interdits de vote », à jour de leurs cotisations, aient eu envie de débourser 25 livres de plus pour participer à un scrutin dont l’issue semble déjà connue.
Au sein du Parliamentary Labour Party (PLP, qui rassemble les parlementaires et parlementaires travaillistes), chacun s’apprête à l’après 24 septembre. Il y a presqu’autant d’attitudes que de situations individuelles. A cette date, le nom du leader du parti sera dévoilé lors de la conférence annuelle du Labour. Malgré l’apparence donnée le vote de défiance vis-à-vis du leader en juin dernier, le PLP est éclaté en une myriade de chapelles : centristes, Blairites, ex proches de Gordon Brown, fidèles d’Ed Miliband, droitiers loyalistes, proches de la gauche mais en désaccord avec Corbyn…
Dans ce contexte, certains parlementaires ont déjà commencé à se rencontrer pour créer les conditions d’un travail commun entre Corbyn, dont la réélection est quasi admise, et les plus modérés de ses opposants. Mais du côté de la droite la plus anti-Corbyn, c’est à une nouvelle forme de résistance que l’on réfléchit. Le quotidien de centre gauche The Independant évoque la possibilité pour les adversaires les plus acharnés de Corbyn de se réfugier au sein du Co-operative party (un parti associé au Labour) pour former un groupe qui puisse se faire entendre. Encore faudrait-il que le Co-Op party les coopte et qu’il accepte de sortir de sa neutralité historique quant au leadership travailliste.
Une fois de plus, l’unité au sein du PLP pourrait venir de l’attitude de l’équipe Corbyn. Si, dans la foulée de sa réélection, il venait à retirer à Rosie Winterton sa responsabilité de Chief Whip (c’est-à-dire la discipline de vote soit, de facto, la présidence du groupe travailliste à la chambre des Communes), Corbyn lancerait un signal très inamical à l’ensemble du PLP. Qui pourrait alors présenter un front commun.
Nathanaël Uhl