Référendum : malgré les divisions, Cameron jubile
David Cameron savoure le passage en première lecture du projet de loi mettant en place le référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne. Il n’y avait guère de suspense concernant l’adoption du texte, 544 MPs (membres du Parlement) l’ont approuvé contre 53. Le Labour Party a fini par accepter l’idée que les Britanniques puissent se prononcer. Seul le Scottish National Party (SNP, pro européen) a tenté, sans succès, de s’y opposer, en demandant l’inclusion d’une double majorité * et que les jeunes de 16 et 17 ans puissent voter. L’amendement en ce sens a été voté par 59 MPs. Pour Alex Salmond, speaker du SNP, le référendum n’a aucun sens, juste de quoi contenter les eurosceptiques, « personne ne peut croire que Cameron veuille vraiment organiser ce référendum ». Cependant, la victoire de Cameron pourrait bien être de courte durée.
La question qui devrait être posée lors du référendum a le mérite de la clarté : « Le Royaume Uni doit-il rester membre de l’Union Européenne« .
Mais ce qui aurait pu n’être qu’une formalité,après l’accord du Labour, s’est révélé, finalement, bien plus compliquée que prévu. UKIP est déjà parti en campagne, notamment contre la chaîne de supermarché Sainsbury, accusée de soutenir le maintien dans l’Union européenne… alors que seul son propriétaire, Lord David Sainsbury, par ailleurs principal soutien financier du think tank blairiste Progress, s’est engagé en son nom. Mais, plus délicat pour Cameron, quelque 50 parlementaires conservateurs eurosceptiques ont créé le groupe « Conservatives for Britain ».
Boris Johnson monte au front
Un coup de chaud pour le premier ministre qui, en début de semaine, a menacé tout ministre faisant campagne en faveur de la sortie du Royaume-Uni de prendre la porte. Avant de rétropédaler le lendemain. David Cameron s’est alors livré à l’exercice classique des « propos mal interprétés » par des journalistes. De son côté, Boris Johnson, le maire de Londres, s’est démené pour calmer les ardeurs des europhobes en proposant que les membres du cabinet soient autorisés à faire campagne. Les conservateurs eurosceptiques on échoué à faire passer le maintient de la Purdah (période pré électorale de 28 jours qui aurait forcé le gouvernement à ne pas faire d’annonces d’aucune sorte, et à rester neutre).
Malgré cela, certains d’entre eux commencent à affirmer que le vote sera faussé, notamment par le fait que le gouvernement prévoit d’autoriser l’utilisation de fonds publics pour faire campagne en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l’Union Européenne. Les « conservatives for Britain » ont compris qu’ils se faisaient mener en bateau, alors que Cameron tente d’obtenir des concessions de l’Union europénne.
En effet, le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, Philip Hammond, a confirmé que le gouvernement ne serait pas neutre durant la campagne. Logique, compte tenu du fait que l’objectif de David Cameron est d’imposer une Union Européenne à la carte, dans laquelle le Royaume Uni aurait les mains libres.
Cameron « manque de classe »
Heureusement pour le locataire du 10 Downing Street, il y a eu les représentants du Labour Party pour unir les conservateurs. Lors de la séance de questions au premier ministre, répondant à Harriet Harman sur le droit de vote pour les jeunes de 16 et 17 ans lors du référendum (comme cela a été le cas en Ecosse), Cameron à éludé en se moquant du changement de position des travaillistes sur le référendum. « Après cinq ans d’opposition au référendum, nous assistons à la plus grande conversion de masse depuis qu’un général chinois avait baptisé ses troupes avec un tuyau d’arrosage« . Harriet Harman a, par la suite, fait remarquer au premier ministre qu’il pouvait jubiler de sa victoire mais qu’il manquait de classe…
Concernant la date du référendum, David Cameron n’a pas écarté l’idée de le tenir le même jour que les autres scrutins de 2016, en dépit des appels du Labour à l’organiser à une date spécifique, comme la commission électorale le proposait.
Si l’autre gauche est plus préoccupée par la manifestation du 20 juin contre l’austérité, Le green party s’est exprimé par la voix de Caroline Lucas. Elle a confirmé le triple oui des Green : « Oui à un référendum, oui à une réforme majeure et, enfin, oui au maintien dans l’Union européenne ». Elle a précisé que le soutien de son parti au référendum répondait à un engagement « pro-démocratie – et non anti-Europe ».
« Il faut que le scrutin ait toutes les apparences de l’équité »
Mais, après le passage en force sur le projet de loi, les premiers nuages commencent à apparaître dans le ciel de David Cameron. Par la voix de son acting leader, la chef du parti par interim Harriet Harman, le Labour a fait savoir qu’il pourrait s’opposer à l’utilisation des fonds publics pour faire campagne en faveur du maintien. « Il faut que le scrutin soit équitable (« fair ») et ait toutes les apparences de l’équité« , a-t-elle souligné. En Grande-Bretagne, on ne badine pas avec le « fair play ».
Si le SNP devait rejoindre le Labour, et de facto les « Conservatives for Britain », Cameron pourrait enregistrer, très rapidement, une première défaite à la Chambre des Communes. Laquelle le mettrait en grandes difficultés pour négocier son Europe à deux vitesse avec Angela Merkel.
Silvère Chabot
* Double majorité : Le royaume uni ne peut quitter l'EU que si l'Angleterre, l'Ecosse, le Pays de Galles et l'Irlande du Nord votent majoritairement la sortie.
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