Le massacre des innocents à Manchester met la campagne en pause
Pas de renoncement, juste du respect. La campagne électorale en vue des élections générales du 8 juin est suspendue ce mardi 23 mai. L’attaque suicide menée la nuit passée à l’occasion d’un concert à la Manchester Arena a amené les responsables politiques à interrompre la campagne et, surtout, les controverses qui la caractérisent.
Dans la soirée du lundi 22 mai, la chanteuse nord-américaine Ariana Grande se produisait sur la scène de la Manchester Arena, une salle qui peut contenir jusqu’à 21,000 personnes. Au vu du succès de l’hôte de la soirée, nulle doute que l’Arena affichait sold out. C’est là qu’une explosion a retenti, occasionnent des morts et des blessés. Le décompte officiel se situe, au lendemain, à 22 décès, parmi lesquels des enfants, et 59 blessés dont certains gravement. Le bilan pourrait donc encore s’alourdir. Parmi les blessés, on dénombre 12 enfants.
La plus jeune des victimes identifiées avait huit ans. Elle s’appelle Saffie Rose Roussos.
La panique a gagné le public, en grande majorité jeune. Après l’évacuation de l’enceinte des spectacles, la ville s’est mobilisée pour offrir qui un lit, qui les moyens de contacter ses proches, qui juste du réconfort via le hashtag #RoomforManchester. Plus d’une cinquantaine de mineurs sans nouvelles de leurs parents étaient accueillis à l’hôtel Holliday Inn voisin.
La plupart des taxis et des Uber ont fonctionné gratuitement toute la nuit pour faciliter l’évacuation des personnes.
Observant la plus grande prudence, la presse, à deux exceptions près, a attendu les informations de la police du Greater Manchester pour évoquer, ce matin, la piste d’un attentat suicide. De même, les responsables politiques ont respecté une prudente réserve.
Les forces de police ont rapidement cerné le principal suspect de l’attaque terroriste, le localisant dans la banlieue Sud de Manchester. L’homme, qui serait âgé de 23 ans, a mis fin à ses jours. Dans la journée de mardi, le groupe qui s’autoproclame « Etat islamique » a revendiqué le carnage.
Mayor pour Greater Manchester, le travailliste Andy Burnham a prononcé la première allocution officielle. Il a annoncé une veillée pour 18 heures, heure locale. Après avoir évoqué un « acte barbare », il a déclaré :
« Il est particulièrement difficile de croire ce qu’il est advenu ces dernières heures et de mettre en mot le choc, la colère et la douleur que nous ressentons tous (…) Nous portons le deuil aujourd’hui mais nous sommes forts. Notre première réponse sera business as usual dans notre grande cité. »
Ensuite, Jeremy Corbyn, leader du parti travailliste, a annoncé la suspension de la campagne électorale. Dans un communiqué, il a précisé :
« Je suis horrifié par les événements épouvantables qui ont eu lieu à Manchester. Mes pensées vont aux familles et aux proches de ceux qui sont morts ou blessés. Aujourd’hui, tout le pays pleure celles et ceux qui ont perdu la vie (…) J’ai parlé à la Première ministre et nous sommes convenus que la campagne électorale est suspendue jusqu’à nouvel ordre ».
Theresa May a également pris la parole ce mardi 23 mai à l’issue d’une réunion d’urgence du cabinet et avant de se rendre à Manchester.
Elle a refusé de relever le niveau d’alerte attentats, le maintenant à « sérieux », soit quatre sur une échelle qui compte cinq degrés. Elle devrait présider une nouvelle réunion d’urgence dans la soirée. Elle a également confirmé que les services de sécurité « connaissent l’identité de l’assaillant mais ne peuvent la communiquer immédiatement ».
Dans une allocution courte et grave, la Première ministre a tranché :
« Hier soir, la lâcheté d’un assassin a été confrontée à la bravoure des secours et de la population de Manchester. »
Les principaux responsables politiques ont salué l’efficacité des services de secours et de la police pour sécuriser les lieux et les personnes en souffrance.
Dans un pays comme la Grande-Bretagne, l’interruption de la campagne électorale n’est pas un recul face au terrorisme. Marqué en profondeur par la religion, le Royaume-Uni respecte ses morts et fait toujours le choix d’observer une période de deuil, laquelle se traduit par l’arrêt des polémiques et l’affirmation de l’unité.
En moins de deux ans, c’est donc la troisième fois que cette exigence de rassemblement interrompt les controverses inhérentes à toute campagne électorale. Le meurtre de la parlementaire travailliste Jo Cox et l’attaque sur le pont de Westminster, il y a deux mois, ont déjà donné lieu à des pauses de cette nature.
Mais la vie civile, elle, continue comme d’habitude. Ainsi, l’université de Manchester a annoncé que, si certains examens peuvent être décalés, les étudiants doivent respecter le planning prévu. Tout juste note-t-on ce matin des queues inhabituellement longues devant les centres de don du sang.