David Cameron privatise la tête de la reine et solde le service public postal
Le gouvernement conservateur a annoncé le 9 juillet 2013 à la Chambre des communes son intention de vendre la majorité du capital de Royal Mail. La privatisation n’est pas une surprise, elle a été préparée de longue date, les activités de service postal (dont les bureaux de poste) ont été séparées sous Thatcher en 1981. Le Labour au pouvoir a ouvert le marché postal à la concurrence en 2000, celle-ci est devenue totale en 2006.
Vince Cable, ministre libéral-démocrate (le Modem à la sauce à la menthe) du Commerce, a détaillé la troisième tentative de privatisation, en promettant, en guise de carotte aux 150 000 salariés du groupe 10 % des actions ; ces derniers devant en échange les conserver durant une période de trois ans. David Cameron a beau annoncer que cette réforme « irrévocable » bénéficie d’un large soutien, que l’Etat conserverait 49 % du capital et que le service postal serait maintenu. Personne n’est dupe.
Quand le gouvernement annonce qu’en contrepartie les bureaux de poste seraient maintenus, c’est peu crédible au moment où il organise un vaste plan social dans les « Crown Offices ». 20 % des bureaux menacés et 1 500 suppressions de postes. On tient les sondages avec des pincettes, il n’empêche que le soutien populaire dont se prévaut le gouvernement conservateur ne saute pas aux yeux. Un sondage YouGov publié mercredi 10 juillet montre que 53 % seulement des Britanniques sont informés du projet de privatisation de Royal Mail et que 67 % s’y opposent.
La Communication Workers Union (CWU) se retrouve une nouvelle fois en première ligne pour défendre le service public postal. Fort de son taux de syndicalisation élevé (les deux tiers des salariés sont syndiqués au CWU), elle a organisé une consultation dont le résultat est sans appel : 74 % ont voté et 96 % se sont prononcés contre le processus. La carotte des actions (1 500 à 2 000 livres par salarié) n’a pas prise.
Par contre, les menaces sur l’emploi, les conditions de travail qui n’ont cessé de se dégrader depuis l’ouverture à la concurrence, la baisse des pensions, sont bien réelles et pèsent plus lourd que des bouts de papiers à la valeur toute relative (qualifiés d’actions fantôme par les salariés).
Pour le secrétaire général de CWU, les salariés ne vendront pas leur âme pour des actions. Il souligne également qu’il ne voit pas pourquoi un service public rentable serait forcément voué à la privatisation. Pour CWU, « la privatisation est une mauvaise nouvelle pour les usagers, les salariés et l’industrie postale. Cela signifie des profits pour les actionnaires, des milliers d’emplois supprimés, des services réduits, des hausses tarifaires, on arrache le cœur de la compagnie ».
Des responsables de CWU estiment qu’il suffit de regarder comment se comporte la concurrence pour savoir quel serait l’avenir d’un Royail Mail privatisé, les salaires seraient réduits au minimum. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que British Gas et British Telecoms ont réduit leurs effectifs de moitié depuis leurs privatisations avec toutes les conséquences que cela induit sur la qualité de service.
Thatcher avait hésité, elle « n’était pas prête à privatiser la tête de la reine », John Major s’y était essayé en 1994, sans succès. Le Labour Party au gouvernement l’avait tenté en 2009 et, là encore, Gordon Brown avait dû y renoncer face à la mobilisation des salariés. Aujourd’hui, le Labour Party s’est d’ailleurs mollement opposé à la chambre au projet de privatisation, il a manifestement plus d’énergie à consacrer à chasser les syndicats du parti.
Le syndicat CWU appelle à la révolte et prépare la grève, contre le retour aux vieilles politiques des années 1980. Suivez la campagne du syndicat sur http://saveourroyalmail.org/.
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