Si le #Grexit poussait la gauche britannique vers le #Brexit ?
OPINION. Ce lundi 6 juillet n’est pas anecdotique en Europe. Les dirigeants bruxellois, dans leur cohérence austéritaire, sont soumis à un violent accès de fièvre, à 38,8, soit le score réalisé par le « oui », qu’ils appelaient de leurs vœux, à l’occasion du référendum organisé en Grèce pour ou contre les préconisations de la Troïka : Fonds monétaire international, Banque centrale et Union européennes. Alors que David Cameron a organisé son propre référendum sur la sortie éventuelle de la Grande-Bretagne de l’organisation internationale, l’attitude de l’Allemagne et de l’Eurogroupe posent question.
Les attendus du gouvernement grec sont clairs : il est hors de question, pour lui, de quitter l’Europe ou, même, la zone euro. Alexis Tsipras l’a encore rappelé lors de son allocution après les résultats du référendum, le 5 juillet, au soir. De son côté, l’Eurogroupe semble pousser la Grèce vers un Grexit de jure, selon l’expression d’Alexis Feertchak. Le responsable du site I-Philo explique ainsi :
« Dans la mesure où les traités sont muets sur ce point, personne ne peut en principe forcer la Grèce à quitter la zone euro ; elle seule peut décider souverainement d’une telle sortie. Dès lors, pourquoi a-t-on répété depuis une semaine que, alors même que le gouvernement et le peuple grecs ne le souhaitaient pas, un vote négatif entraînerait inévitablement un Grexit ? »
Si la Banque centrale européenne devait, lors de sa réunion de ce soir, raffermir encore sa politique, cela reviendrait à expulser manu militari la Grèce hors de l’Europe. A entendre les propos du vice-chancelier et ministre (social-démocrate) de l’Economie allemand, cette possibilité ne relève pas du fantasme. Elle serait pourtant lourde de conséquences alors que David Cameron et, plus encore, une partie des conservateurs britanniques envisagent le Brexit, soit la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. La Chambre des communes a, en effet, acté un référendum sur le sujet avant la fin 2017.
Pour le Premier ministre britannique, l’enjeu est de renégocier l’ensemble des traités européens, de les alléger et de d’échapper à une hiérarchie des normes dont les Conservateurs n’ont jamais voulu. In fine, il s’agit – pour lui – de faire monter le rapport des forces pour faire de l’Union européenne un marché unique contre une Europe politique. Mais les forces qui veulent une sortie pure et simple, un vrai Brexit, sont conséquentes tant au sein du parti conservateur que de UKIP.
Pour l’heure, les défenseurs du maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne se recrutent, majoritairement, à gauche. Le parti travailliste a d’ailleurs longtemps refusé l’hypothèse même d’une consultation populaire sur le sujet, avant de s’y rallier après leur défaite électorale de mai dernier. Mais, dans la lignée d’un John King, écrivain issu de la classe ouvrière, une partie de la gauche britannique pourrait bien changer de point de vue si les Grecs étaient poussés dehors. Le mouvement anti-austérité, qui a réussi à rassembler 250.000 personnes à Londres le 20 juin dernier, ne cache pas sa solidarité avec le gouvernement d’Athènes.
Ce lundi 6 juillet au soir, il organise d’ailleurs un meeting de solidarité avec la Grèce auquel vont participer des ténors de la vie publique tels que Frances O’Grady, secrétaire générale du puissant Trade Unions Congress ; Diane Abbot, MP de Londres ; Jeremy Corbyn, MP d’Islington-North et candidat de la gauche au leadership du Labour. La plupart de ces dirigeants ont toujours manifesté leur soutien à l’Europe si elle s’accompagne d’une amélioration des droits des travailleurs, notamment dans le cadre d’un marché commun et d’une Europe sociale. Tous réclament aujourd’hui une annulation de la dette grecque.
Si l’Eurogroupe venait à pousser la Grèce hors de l’Europe, pas sûr que la gauche britannique ne décide pas d’en finir avec une construction européenne qui se retourne, au final, contre les peuples. Une Union européenne privée à la fois de la Grèce et de la Grande-Bretagne signifierait rien moins que la fin de l’Europe telle qu’elle est bâtie depuis plus de cinquante ans. Elle serait alors réduite au stade de l’hinterland allemand.
Nathanaël Uhl