Coupes en « pente douce » pour le premier budget 100% Torie
Le premier budget conservateur depuis 1996 a été présenté, ce 8 juillet, par le Chancelier de l’Echiquier, George Osborne. Les précédents exercices, depuis l’arrivée au pouvoir de David Cameron en 2010, avaient été le fruit d’âpres négociations avec les alliés Libéraux-Démocrates d’un temps. Avec leur victoire aux élections générales de mai dernier, les tories ont les mains libres. Et ce budget d’urgence témoigne qu’ils ont les idées claires : austérité pour les citoyens, facilités pour les entreprises. Le duo Cameron-Osborne ne départit pas parmi les politiques menées par les libéraux en Europe. Même si le gouvernement table sur une croissance de 2,4%, la baisse des dépenses est amplifiée.
Alors que le mouvement anti-austérité mobilise à haut niveau, le ministre des finances a néanmoins fait une « concession » : les coupes budgétaires, d’un montant de 15 milliards de livres, seront étalées sur trois ans au lieu de deux… Avant de relativiser lui-même : « Le déficit devrait être réduit pendant ce mandat à la même allure que nous avons fait dans le précédent ». Mais l’objectif reste le même, parvenir à dégager un surplus budgétaire « en 2020 », suivant ainsi l’exemple allemand. George Osborne n’y va pas par quatre chemins : « La Grande-Bretagne dépense toujours trop, emprunte trop et notre faible productivité montre que nous ne formons pas assez, que nous ne construisons pas assez, que nous n’investissons assez ».
Bons alimentaires
George Osborne, le vrai idéologue du parti conservateur, a présenté les enjeux de son budget aux MPs comme « un plan pour les cinq ans à venir afin que la Grande-Bretagne continue à passer d’une économie de salaires bas, d’impôts élevés avec une assistance sociale importante à un pays de salaire plus élevé, avec moins de retenues fiscales et moins d’aides sociales ». A tout le moins, il y a une cohérence politique. Les budgets sociaux vont donc figurer en première ligne.
George Osborne a confirmé les annonces déjà faites d’un investissement en faveur du National Health Service, qui vient de fêter son 65e anniversaire. Mais les MPs travaillistes relativisent cet engagement au regard de la réduction des crédits affectés à la santé mentale, à la médecine de ville ainsi que dans d’autres branches spécialisées du service public de santé. Le secteur des personnes handicapées a été particulièrement visé. Les allocations ont été modifiées, sur la base d’une durée déterminée, ignorant que les personnes handicapées après un accident du travail peuvent avoir besoin d’un soutien de longue durée. Les associations craignent donc que le nombre de personnes handicapées ayant recours aux bons alimentaires n’augmente encore.
Autre mesure présentée comme visant à conforter ceux qui travaillent dur, le salaire minimum sera porté à 7,20 livres par heure, pour les plus de 25 ans seulement, en 2016 pour atteindre 9 livres horaire en 2020. « Ce n’est pas le salaire de vie (« living wage »), a tempêté Nicola Sturgeon, la première ministre écossaise. Ce dernier est déjà fixé à 7,85 livres par heure. » Le salaire vital mentionné par Nicola Sturgeon comprend aussi les allocations et crédits d’impôts, lesquels vont être supprimés. Il semblerait par ailleurs que cette « avancée » relative soit due, en partie, au travail de sape mené par le principal rival de George Osborne, le maire de Londres Boris Johnson.
Le soutien aux étudiants, notamment ceux issus des classes populaires, figure en première ligne des dépenses visées par les conservateurs. Ainsi, les bourses d’études seront remplacées, dès l’année scolaire 2016-2017, par des prêts, remboursables dès que les revenus des bénéficiaires dépasseront les 21.000 livres. Le gouvernement s’engage à ne pas faire bouger ce seuil durant les 5 ans à venir. George Osborne a présenté le passage de la bourse au prêt étudiant, sur le modèle nord-américain, comme une mesure de « justice fiscale ». Dans la continuité, il a annoncé que les jeunes âgés de 18 à 21 devront gagner ou apprendre (« earn » or « learn »). Il supprime le droit automatique à l’allocation logement pour cette tranche d’âge. « Ce sera l’obligation de jeunesse », a tranché Osborne.
« 40.000 enfants supplémentaires dans la pauvreté »
Parmi les autres mesures présentées figurent d’autres points clés du programme conservateur. Parmi elles, la réduction du plafond des allocations auxquelles peuvent prétendre les Britanniques. De 26.000 livres par an, il est réduit à 23.000 livres à Londres, où la vie est particulièrement chère, et à 20.000 livres dans le reste du pays. La seule MP Green, Caroline Lucas, a estimé que cette décision pourrait « jeter 40.000 enfants supplémentaires dans la pauvreté ». La politique du logement aussi est visée, qu’elle relève des collectivités locales ou d’associations de locataires. Ces bailleurs publics devront désormais s’aligner sur les prix du marché.
Mais c’est surtout sur les crédits d’impôts que les coupes sont les plus rudes : 9 milliards de livres qui frappent, une fois encore, les ménages les plus modestes. George Osborne a justifié cette mesure : « Nous dépensons plus en allocations familiales en Grande-Bretagne qu’en Allemagne, en France ou en Suède. (…) Les Revenus ont augmenté de 11 % depuis le crash de 2008, tandis que les allocations ont augmenté de 21 %. » Les allocations logements, elles aussi, sont dans le collimateur du Chancelier de l’Echiquier. Le discours du Chancelier de l’Echiquier a provoqué des réactions vives sur les bancs de la très policée chambre des Communes. Notamment lorsqu’il s’est lancé dans une explication visant à démontrer « combien coûte au pays le système de crédits d’impôts ».
Les entreprises bénéficient de 93 milliards d’aides
Par contre, le coût pour la nation de la réduction de l’impôt sur les sociétés n’est pas questionné. Réduit de 28 à 20 %, son taux devrait passer à 19 % en 2017, « pour favoriser la création d’emplois » puis à 18 % en 2020. Les grandes entreprises sont encore les principales bénéficiaires du budget conservateur. Selon une étude du très sérieux quotidien the Guardian, entre subventions cachées, aides directes et mesures d’exonération fiscale, les entreprises bénéficient de 93 milliards d’aides diverses de l’Etat britannique, soit 3.500 livres par an et par foyer britannique… Le montant des seules subventions directes à Nissan, Amazon et autres Ford s’élève à 14,5 milliards de livres chaque année… Des aides qui, contrairement aux dépenses sociales et aux allocations, ne seront pas concernées par la nécessité de ramener le budget à l’équilibre…
Commentant le texte présenté par le ministre des Finances pour la BBC, Paul Johnson, directeur de l’institut d’études fiscales, a décrypté : « De manière générale, c’est un budget marqué par une fiscalité en hausse et qui réduira les dépenses sociales, avec un programme de crédit universel significativement moins généreux. Le chancelier a aussi décidé de prendre une pente plus douce vers la réalisation d’un excédent budgétaire ». Quoi qu’il en soit, George Osborne confirme des coupes budgétaires à hauteur de 37 milliards de livres, dont 19 pour la seule politique sociale, dans les 5 ans à venir. C’est cela, au Royaume-Uni, que les conservateurs appellent les coupes en pente douce.
Silvère Chabot et Nathanaël Uhl
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Bonus vidéo : Cut Up – A Butchery Improved