Bennite de raison, Michael Meacher est décédé
La gauche travailliste a remporté la direction du Labour mais elle vient de perdre un de ses membres respectés. Mercredi 21 octobre, son cabinet parlementaire a annoncé le décès, à l’issue d’une maladie foudroyante, de Michael Meacher, membre du parlement pour Oldham West and Royton. Maître de conférences, ce spécialiste des questions environnementales avait servi dans le cabinet de Tony Blair, à qui il a notamment évité un faux pas politique sur les organismes génétiquement modifiés, après l’avoir combattu en tant que membre de la gauche du Labour. L’ancien leader travailliste Neil Kinnock, avait qualifié Michael Meacher de « vicaire de Tony Benn sur terre ». Le décès de cet homme politique respecté, membre de la Fabian society, a donné lieu à des hommages nombreux, venant tant des travaillistes que des écologistes.
Issu d’une famille modeste : son père est fermier, Michael Meacher naît le 4 novembre 1939. Elevé dans un environnement anglican, sa mère aurait souhaité qu’il rejoigne l’église, il conservera toute sa vie la foi en dieu sans – nous sommes en Grande-Bretagne – en faire étalage. Ses résultats lui permettent de rentrer à la prestigieuse Berkhamsted School, dans le Hertfoprdshire. Il intègre ensuite le New College Oxford. A l’issue de ce cursus, il s’oriente vers l’enseignement et devient maître de conférences en administration sociale à l’université de York, puis, à partir de 1970, à la London School of Economics.
Cette même année, après un premier échec en 1968, il remporte le siège d’Oldham West sur les conservateurs et rentre à la chambre des Communes. Il s’y fait bientôt remarquer par la précision de ses argumentaires et son utilisation politique des statistiques. En 1973-1974, le gouvernement conservateur dirigé par Edward Heath est confronté à une grève des mineurs qui revendiquent une hausse des salaires. Dans une intervention restée fameuse, Michael Meacher démontre, chiffres à l’appui, que l’attitude bornée du gouvernement pourrait coûter à l’Etat 3 milliards de livres de plus que ce que demandent les mineurs. Cet événement vaudra à Meacher de rentrer au gouvernement quelques semaines plus tard après la victoire des travaillistes.
Entré en politique comme modéré
C’est à cette époque que ses liens avec Tony Benn, alors en charge du portefeuille de l’Industrie, se nouent ; il est un de ses adjoints. Ensemble, ils défendent, contre le premier ministre, une extension de la propriété collective dans l’industrie et un renforcement du contrôle des entreprises par les ouvriers. C’est aussi pourquoi, après un an de service, le duo est séparé et Meacher est envoyé au commerce. Après la défaite de 1979 face à Margaret Thatcher, il renoue avec l’enseignement tout en participant à la commission parlementaire du Trésor. Mais il se fait surtout connaître en menant une campagne afin d’obtenir une enquête sur quelque 274 décès suspects dans les cellules de la police britannique.
Entré en comme modéré, le tournant de 1979 parachève sa transformation en « Bennite » alors qu’il préside, depuis quelques mois, le Labour Co-Ordinating Comittee, un groupe de gauche au sein du Labour qui défend la relance keynésienne de l’activité, la fin de l’enseignement privé et le transfert des médias aux coopératives des travailleurs. Avec Tony Benn, Meacher sponsorise un journal politique : Labour and Industry. Michael Meacher provoque une nouvelle fois la colère de la direction du parti en proposant que des backbenchers (les membres du parlement siégeant sur les bancs du fond) veillent à ce que les ministres tiennent leurs engagements.
En 1983, après une nouvelle défaite du Labour face à Thatcher et Tony Benn ayant perdu son siège de membre du parlement, c’est Meacher qui est candidat au deputy leadership pour la gauche du parti. C’est dans cette bataille, une des plus paroxystiques qu’ait connues le Labour des années 80, qu’il gagne le surnom de « vicaire de Benn sur terre », une allusion au pape extrêmement blessante pour ce fidèle anglican. Les années suivantes voient Michael Meacher modérer son discours. Il soutient la grève des mineurs de 1984-1958 mais se fait accuser de « traîtrise » par le dirigeant du syndicat des mineurs parce qu’il désavoue les piquets de grève violents. Il prend de la distance avec la gauche radicale du Labour en votant des sanctions contre le deputy leader du conseil de Liverpool, Derrick Hatton, accusé de trotskisme, mais refuse son exclusion. Meacher se retire des luttes de faction en 1988.
Malgré cette période, il reste fidèle à ses propres convictions qui mêlent socialisme et écologie. Et c’est en tant que représentant de la gauche travailliste de fait qu’il intègre le cabinet de Tony Blair, en mai 1997, comme ministre de l’Environnement. Il se fait reconnaître en s’opposant aux organismes génétiquement modifiés. Tony Blair, sur les bons conseils de David Sainsburry, puissant patron d’un des plus importants groupes agro-alimentaires du pays et principal bailleur de foinds du Labour à l’époque, avait l’intention d’en autoriser l’usage sans contrôle. Relayant les inquiétudes des groupes écologistes, Michael Meacher obtiendra un moratoire de trois ans à fins d’évaluation. Meacher quitte le gouvernement en 2003 après six ans de relations difficiles avec son premier ministre.
Il s’oppose à l’intervention militaire en Irak et poursuit son action contre les OGM. En 2007, il soutient la candidature de John McDonnell au leadership du Labour, élection finalement remportée par Gordon Brown. En 2015, il apporte tout son soutien à la candidature de Jeremy Corbyn dont il salue la victoire par ces mots : « C’est un jour fondateur pour la vie politique britannique qui marque la convergence de deux conditions essentielles à la transformation profonde de la société ». Michael Meacher n’aura connu qu’un mois de cette nouvelle ère.
Nathanaël Uhl
————————–
Bonus vidéo : The Pop Group – Sense Of Purpose