Austérité : première défaite pour le gouvernement conservateur

Un recul pour Osborne, une victoire pour Corbyn. A l’occasion de la revue des dépenses (spending review) et de sa déclaration d’automne, le chancelier de l’Echiquier, George Osborne, a été contraint à une volte-face, jugée humiliante par la presse, sur les crédits d’impôts, les fameux tax credit qui ont pourri la vie du gouvernement conservateur ces derniers mois. Sur le fond, les Tories ne reculent pas sur l’austérité mais ont déplacé les coupes budgétaires, qui vont moins affecter les allocations à caractère social pour toucher le logement. Quoi qu’il en soit, c’est la première victoire politique de Jeremy Corbyn, dans une période où le leader travailliste est mis en sérieuse difficulté dans son propre parti.

La mobilisation du mouvement social et des syndicats, la montée au créneau des églises et l’intervention des associations caritatives ont constitué le socle dont s’est nourri le Labour party dans son offensive automnale contre la baisse drastique des crédits d’impôts, qui prévoyait une économie de 4.4 milliards de livres dans ce seul secteur. Les membres du parlement travaillistes, leur leader en tête, ont mené une véritable guérilla sur ce sujet extrêmement sensible. Le vote final de la chambre des Lords, profitant d’un vice dans la forme législative choisie par le gouvernement, a fini de sceller le sort de la diminution des crédits d’impôts. George Osborne concède sa première vraie défaite.

Empty-WalletMais le Chancelier de l’Echiquier ne s’avoue pas vaincu. Et sa déclaration d’automne à l’occasion de la revue des dépenses, prononcée jeudi 26 novembre, est sans ambiguïté : « Aujourd’hui, je peux dire à la Chambre que les 12 milliards d’économie en matière sociale que nous avons annoncées dans notre programme seront pleinement réalisées, de manière à aider les familles dans la transition vers notre salaire vital ». Lâchant du lest d’un côté, le gouvernement conservateur a tenu ses objectifs par ailleurs. Les allocations familiales seront toujours limitées à un maximum de deux enfants. Les conditions d’accès à l’aide médicale gratuite pour les enfants ont été également durcies. Pour en bénéficier, il faudra travailler plus de 16 heures par semaine et gagner moins de 100,000 livres par an. Les allocations logement sont également réformées : les locataires entrant dans le parc social verront leurs allocations limitées au niveau des résidents du secteur privé. Enfin, les bénéficiaires de l’allocation logement ne pourront plus en bénéficier s’ils passent plus de 4 semaines à l’étranger… Les chercheurs d’emplois devront se rendre au Jobcentre chaque semaine pendant les trois mois suivant leur inscription pour pouvoir bénéficier des allocations chômage.

Avec cet empilement de mesures, Osborne confirme la ligne du gouvernement : moins d’état social, moins d’impôt. Et il a maintenu le cap sur un excédent budgétaire en 2020, ce qui implique, selon lui, la résorption de la dette essentiellement par la réduction des dépenses publiques. A quelques jours de l’ouverture de la COP 21 (la conférence de l’ONU sur le climat), le Chancelier de l’Echiquier a annoncé une baisse de 37 % des crédits du ministère des transports et de 22 % de celui de l’énergie et du changement climatique.

John McDonnell cite Mao à la Chambre des CommunesSelon la Resolution Foundation et l’Institute for Fiscal Studies (IFS), ce sont encore 2,6 millions de familles qui vont voir leur pouvoir d’achat diminuer de plus de 1,600 livres par an d’ici 2020. Une réalité qui a amené Paul Johnson, directeur de l’IFS, à déclarer : « Ce n’est pas la fin de l’austérité. Cette revue de dépenses est toujours l’une des plus dures depuis la fin de la seconde guerre mondiale ». Revenant sur les objectifs de réduction de la dette, il a également estimé que le gouvernement devrait soit augmenter les impôts soit procéder à de nouvelles coupes pour les atteindre. Dans son discours, John Mc Donnell, le shadow Chancelier de l’Echiquier, a matraqué : « Les conservateurs ne sont pas revenus sur les coupes mais les ont retardées. Cette revue de dépenses est un écran de fumée ».

Le gouvernement britannique tâche aussi d’accroître les recettes en poursuivant les privatisations, notamment dans le domaine des infrastructures. Après la visite du président Xi Jinping, ce sont les entreprises d’Etat chinoises qui sont les principaux acquéreurs de cette vente à l’encan des bijoux de la famille britannique. Ce paradoxe a amené John Mc Donnell à moquer le « camarade Osborne » en citant le Petit livre rouge du président Mao : « Nous devons apprendre à mener le travail économique de tous ceux qui savent comment, peu importe qui ils sont. Nous devons les estimer comme des professeurs, nous devons les respecter consciencieusement, mais nous ne devons pas feindre de savoir ce que nous connaissons pas ».

Ce faisant, le numéro deux du shadow cabinet travailliste dévoile son nouveau mode d’attaque en direction des Tories. Il entend mettre en évidence leur approche à courte et vue et l’absence de prospective à long terme. Ce long terme, c’est, en revanche, l’orientation politique du Labour. Un pari risqué alors que, de plus en plus sèchement, les syndicats exigent des résultats rapides de la part de l’équipe de Jeremy Corbyn.

Nathanaël Uhl

Les objectifs budgétaires de George Osborne

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