Après le Brexit, l’Ecosse fait monter la pression pour rester membre de l’Union européenne
La Grande-Bretagne survivra-t-elle à son Brexit ? La question n’est pas anodine. Le résultat du référendum sur le maintien du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne a fait éclater au grand jour les lignes de fracture qui lacèrent le pays. Dans la foulée des 52% pour la sortie de l’Europe, l’Ecosse, une des deux composantes du Royaume, avec l’Irlande du Nord, à avoir voté de majoritairement (et 24 points d’écart) pour le maintien, affiche ses volontés de sécession vis-à-vis de Londres. Dans un second temps, la première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, a même évoqué la possibilité d’un veto de son parlement au Brexit. Cette hypothèque a été levée lundi 27 juin, dans la matinée, par Alex Salmond.
La dévolution des pouvoirs de Londres vers le parlement écossais impose le fait que le parlement écossais se prononce sur les textes de loi engageant l’avenir du Royaume-Uni. C’est dans ce cadre légal que Nicola Sturgeon et son équipe ont envisagé d’opposer un veto à la sortie de l’Union européenne. Alex Salmond, leader des membres du parlement de Westminster élus sous l’étiquette Scottish National Party (SNP) et ancien premier ministre écossais lui-même, a modéré ce lundi matin les propos de celle qui lui a succédé.
« La nécessité du consentement du parlement écossais ne signifie pas que ce dernier ait droit de veto, en la matière. Nicola le sait bien », a déclaré le parlementaire.
Alex Salmond a rappelé que la clause 28 du Scottish Act, la loi qui régit les rapports entre l’Ecosse et le Royaume-Uni, laisse toujours le dernier mot au parlement de Westminster. Pour autant, les déclarations de Nicola Sturgeon, qui n’a jamais prononcé le mot « veto », montrent que la tension monte entre Londres et Holyrood (siège du parlement et donc du gouvernement écossais).
Les nationalistes écossais n’ont jamais caché leur engagement pro-européen. Ils ont, à plusieurs reprises, affirmé qu’ils n’hésiteront pas à convoquer un second référendum sur l’indépendance de l’Ecosse si la Grande-Bretagne venait à quitter l’Union européenne. Ils se sentent d’autant plus fondés à pousser en cette direction que, dans toutes les autorités locales d’Ecosse, le maintien l’a emporté jeudi 23 juin. Les récents sondages montrent que les Ecossais apprécient de manière ambivalente cette perspective. Ils sont 52% à repousser l’idée d’un référendum sur l’indépendance et, en même temps, 54% à affirmer qu’ils voteraient « oui » s’il devait se tenir.
Lors d’une conférence de presse tenue vendredi 24 juin, Nicola Sturgeon a donc remis l’indépendance à l’ordre du jour et évoqué 2018 comme perspective pour la tenue d’une seconde consultation sur le sujet. « Un nouveau référendum est hautement probable », a affirmé la princesse de fer d’Holyrood. Avant de détailler :
« (La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne) est un changement notable de circonstances. C’est une évidence que l’option d’un second référendum sur l’indépendance doit être posée sur la table et elle est clairement posée. »
A cette occasion, Nicola Sturgeon a également souhaité que son gouvernement soit associé aux négociations que Londres mènera avec les institutions européennes sur la sortie. Encore faut-il attendre que le gouvernement central du royaume déclenche l’article 50 qui prévoit la sortie d’un pays membre. En démissionnant, David Cameron a renvoyé cette responsabilité à son successeur, qui ne sera désigné qu’en octobre. C’est également à lui que reviendra, le cas échéant, la responsabilité d’inscrire à l’agenda de Westminster, le cas échéant, la législation autorisant la tenue d’un deuxième référendum sur l’indépendance de l’Ecosse.
Sturgeon a réuni son staff samedi 25 juin pour préparer l’inscription d’un projet de loi sur la consultation dès le mois de septembre. Mais elle aura besoin du feu vert de Londres. Or, en fonction du résultat du scrutin de 2014 et des engagements pris à cette époque, David Cameron a toujours affirmé qu’il n’y aura pas de second référendum avant « une génération ». Son successeur sera-t-il d’un avis différent ? La question est ouverte.
La patronne du SNP entend mettre les mois à venir à profit pour tenter d’obtenir ce qui compte le plus à ses yeux aujourd’hui : le maintien de l’Ecosse au sein de l’Union européenne. Nicola Sturgeon cite en exemple le cas du Groenland et des îles Feroë qui ont été autorisées à ne pas suivre la décision du Danemark après le référendum sur l’adhésion de ce pays à l’Union européenne. Certes, la situation est différente. Pour l’Ecosse, il s’agit, au contraire, de rester quand le pays principal a décidé de sortir. Mais le précédent autorise toutes les spéculations.
Nathanaël Uhl