Coup de tonnerre chez les Conservateurs : Boris Johnson renonce à disputer le leadership
On ne se méfie jamais assez des premiers de la classe. Boris Johnson vient d’en faire l’amère expérience. Le tonitruant héraut du Brexit conservateur a annoncé, ce jeudi 30 juin en fin de matinée, qu’il se retire de la course au leadership du parti conservateur. Sérieusement malmené par Theresa May qui, elle, a confirmé son intention de concourir pour le poste, l’ancien maire de Londres a, surtout, été trahi par son désormais ancien ami Michael Gove, Secrétaire à la Justice et autre ténor du camp sortiste, qui s’est déclaré candidat en début de matinée. C’est un coup de tonnerre alors que tous les observateurs donnaient Johnson vainqueur haut la main. Avec le retrait de George Osborne mardi 28 juin, il est la deuxième victime des réglements de comptes qui sévissent au sein du parti tory.
Contrairement à Boris Johnson, Michael Gove est un eurosceptique convaincu. Il pourra faire valoir ce fait, qui lui est reconnu, dans la campagne de dix semaines qui commence dès aujourd’hui, quand le 1922-Committee, qui rassemble les backbenchers conservateurs, aura validé les candidatures. Mais Gove va payer une double trahison. D’abord, il a lâché son « ami » David Cameron en choisissant le camp de la sortie dans le référendum sur l’avenir de la Grande-Bretagne au sein de l’Union européenne. En déclarant sa candidature, il a trahi Boris Johnson au pire moment.
L’ancien maire de Londres bénéficie toujours d’une solide popularité parmi les militants conservateurs. Mais elle s’est sérieusement érodée ces derniers mois. Un sondage paru mercredi 29 juin le donnait à 34%, 17 points derrière Theresa May. Assurément, « Bo Jo » a fini par payer son opportunisme. Personne n’attendait vraiment le trublion tory dans le camp du Brexit, que ce soit par ses origines, son parcours professionnel (il a été journaliste en charge des questions européennes) ou par ses positions à l’intérieur du parti. Nombreux ont été ceux qui ont vu derrière le ralliement de Johnson à la sortie un pur choix de carrière.
Et sa manière tonitruante de défendre le Brexit, entre mensonges et outrances, aura peut être fini de le déconsidérer. « Bo Jo » est tout de même celui qui, après avoir fait voter en faveur du Brexit, proposait de tenir un second référendum lors duquel il faudrait voter en faveur du maintien… De quoi faire perdre son latin au militant tory de base. Michael Gove n’a eu, finalement, qu’à le pousser gentiment vers sa dernière sortie en jouant à « pousse-toi de là que je m’y mette ». Le retrait de Boris Johnson de la course a été chaleureusement accueilli par la City, qui a vu le cours de la livre sterling s’envoler.
Cependant, le sentiment qui prédomine parmi les soutiens de Boris Johnson est celui d’une trahison. Sir Edward Garnier, membre du parlement pour Harborough, résume :
« Je suis très en colère. Cela me rappelle le syndicalisme étudiant. Je ne joue pas dans ce genre de cour. Je trouve tout cela honteux ! »
Plus sérieux, plus sincèrement eurosceptique, Gove fera assurément un bon score. Mais il aura à dos les fidèles de David Cameron et Boris Johnson, une gageure que personne n’imaginait possible il y a deux jours de cela. La défaite sera sûrement amère pour celui qui, en 2012, se disait « pas taillé pour le rôle de premier ministre ». Elle sera injuste parce qu’il est, probablement, celui qui a le plus travaillé et réfléchi aux enjeux et conséquences du référendum sur l’avenir du Royaume-Uni dans l’Union européenne. Avant de se positionner, il a lu tout ce qui avait été écrit et produit par et sur l’Union européenne.
Dans ce contexte, Theresa May, Home Secretary (ministre de l’Intérieur) en titre, apparaît la mieux placée pour remporter un leadership rendu inévitable par la démission de David Cameron au lendemain de la victoire du Brexit. Eurosceptique de longue date, Theresa May est également une adepte de la ligne dure en matière d’immigration. Elle avait pourtant choisi le camp du maintien par loyauté envers David Cameron. Ses choix en font, désormais, la favorite du leadership tory. Ce jeudi 30 juin au matin, en présentant sa candidature, elle a pris grand soin à écarter définitivement la perspective d’un second référendum sur l’Union européenne. :
« Le pays s’est prononcé pour la sortie de l’Union européenne. Le devoir du gouvernement et du parlement est de s’assurer que nous avons bien fait ce choix. »
Elle s’est également positionnée comme la « candidate de l’unité du parti (conservateur) après un référendum (qui l’a) profondément divisé ». Pendant une campagne riche en coups bas, elle a pris soin de rester au-dessus de la mêlée, prenant de la hauteur et respectant ses adversaires. Pour donner des gages, elle a choisi Chris Grayling, figure du Brexit, comme son directeur de campagne.
Agée de 60 ans, Theresa May est membre du parlement pour Windsor et Maidenhead, dans la grande banlieue londonienne. Son principal handicap dans la campagne qui s’ouvre est qu’elle de goûte guère les obligations du dirigeant : serrer des mains, sourire gentiment aux remarques des militants, passer du temps au bar du parlement… Cela dit, elle a une qualité première : Theresa May a une très haute opinion d’elle-même. En lançant sa candidature, ce matin, elle a simplement déclaré :
« Je suis Theresa May et je suis la mieux placée pour être premier ministre ».
Le tory leadership commence et il réserve encore bien des surprises.
Nathanaël Uhl