Grève dans les transports : Sadiq Khan digne successeur de Boris Johnson
En matière de transports, c’est une semaine noire pour Londres. La capitale britannique a connu une nouvelle grève du métro lundi 9 janvier. Elle a été suivi, mardi, d’un nouvel arrêt de travail de 48 heures des salariés de Southern Rail. Les deux conflits durent depuis des mois et mettent en lumière le nouveau premier magistrat de la capitale. Ou plutôt sa continuité avec la gestion de Boris Johnson, précédent occupant du City hall.
Maire de Londres depuis mai 2016, Sadiq Khan n’est pas un novice. La question délicate des transports ne lui est pas inconnue. Il était, en 2009, ministre des transports lors du dernier gouvernement conduit par Gordon Brown et fut chargé des transports dans le gouvernement fantôme en 2010.
Au delà de ses supposées connaissances des dossiers, le maire de Londres fait tout son possible pour démontrer aux conservateurs qu’il n’est pas « la marionnette des syndicats », s’accrochant à la promesse de ne pas avoir de jours de grèves sous son mandat, alors que son célèbre prédécesseur, Boris Johnson, avait fait face à 35 jours de conflit avec les salariés du métro londonien. De ce point de vue, c’est déjà un échec. Depuis son élection à la mairie de Londres, 4 appels à la grève ont eu lieu.
Mais en dépit de ses nombreux appels à ne pas faire grève, un mouvement inutile selon lui, Sadiq Khan porte une part de responsabilité dans le conflit. Dès sa prise de fonction en mai 2016, le syndicat RMT a demandé à le rencontrer en urgence pour discuter des suppressions d’emplois et de la fragilité grandissante que connaissait le réseau.
Sadiq Khan n’a pas jugé utile de le faire, laissant l’autorité organisatrice Transports for London (TfL) mener un dialogue de sourds avec les syndicats. Ce sont 838 emplois mais aussi des postes de contrôle et des guichets qui pourraient supprimés. En 2017, Transports for London annonce une nouvelle hausse de 2.7% des ses tarifs.
Les dirigeants syndicaux affirment que ces dispositions constituent la plus grande menace sur les transports londoniens depuis le Blitz. Selon Rail, Maritime and Transport Union (RMT), TfL ferait face à une crise financière imminente avec un déficit annoncé de 2.9 milliards de livres. Selon l’organisation du secteur, c’est là le résultat des réductions budgétaires opérées par le gouvernement. Mais le syndicat pointe aussi l’inadéquation des capacités de transport face à une demande sans cesse croissante.
Les discussions entre les syndicats du rail et Transport of London traînent depuis des mois. TfL joue l’usure et ne change pas le projet de réforme du réseau qui prévoit des suppressions d’emplois, notamment ceux des guichetiers, remplacés par des distributeurs automatiques, ainsi que des personnels de ménage. Ces évolutions s’inscrivent dans une démarche longue puisqu’elles étaient déjà en préparation quand Ken Livingstone, aujourd’hui grand pourfendeur du blairisme, était maire de Londres.
Les syndicats, par la voix du secrétaire général du RMT, Mick Cash, dénoncent une robotisation faite au détriment de la sécurité des usagers. « On a eu des cas où des voyageurs sont tombés sur les rails sans personnel pour gérer la situation. Si nous n’agissons pas, il risque de se passer quelque chose de grave. »
Dans ce contexte, RMT a souhaité que Sadiq Khan initie un audit sur la fermeture des points de vente aux usagers. Il a aussi proposé de discuter de l’ouverture du métro toute la nuit ainsi que du conflit social au sein de Southern Rail, même si TfL n’a aucune responsabilité dans ce dossier.
Rapidement, RMT a admis qu’il ne fallait pas s’attendre à des changements après l’accession d’un travailliste à la mairie de Londres. « Nul ne doit nourrir d’illusions. Pour ce qui concerne notre syndicat, qui se bat pour les emplois, la sécurité et le service rendu au public, c’est ‘business as usual’. »
Accusé en septembre par les tories de ne pas tenir ses promesses lors de la grève du métro à Hammersmith, Sadiq Khan se livre à une surenchère. Il s’est inscrit dans la cohérence de son prédécesseur, le conservateur Boris Johnson, pour qui le dialogue avec les syndicats ne pouvait être que dans le rapport de forces.
Prenant la presse par surprise, Sadiq Khan a qualifié la grève des guichetiers menée par les organisations RMT et TSSA comme « inutile » et suggéré que le conflit puisse être réglé « à l’amiable ». Ce, alors que Theresa May venait de décrire le conflit comme « injuste et injustifié ».
De son côté, Jeremy Corbyn, leader du parti travailliste, a refusé de critiquer les syndicats, concentrant ses attaques sur le gouvernement. Les liens du membre du parlement pour Islington-North et les syndicats sont connus. Ils sont encore plus forts avec les organisations des salariés des transports. Le directeur de la campagne de Corbyn pour le leadership en 2016, Sam Tarry, est un permanent du syndicat TSSA. Le syndicat des conducteurs de trains, ASLEF, a financé la campagne du vétéran socialiste. ASLEF est très impliqué dans le conflit social à Southern Rail.
La bataille du rail londonien a donc ravivé les tensions internes au parti travailliste, si besoin en était. Membre du parlement pour Hove, dont les habitants sont très touchés par la grève à Southern Rail, Peter Kylea attaqué Corbyn, l’accusant de « maintenir l’impasse » et de « prolonger la désespérance des usagers ».
Silvère Chabot