A l’heure des premières PMQs du parlement, Corbyn marche sur les eaux travaillistes
Il y a un an jour pour jour, Jeremy Corbyn affrontait la fronde la plus sérieuse qu’il a connue depuis son élection à la tête du parti travailliste. A l’époque, les trois quarts du Parliamentary Labour party votaient une motion de défiance contre lui, ouvrant la voie à un nouveau leadership. Ce mercredi 28 juin, le vétéran socialiste va affronter la première ministre Theresa May pour la première séance des Prime Minister Questions (PMQs) du nouveau parlement. Il se livrera à cet exercice avec des élus quasi unanimes derrière lui.
Il y a près de deux semaines, il a procédé à un nouveau remaniement de son shadow cabinet, le cabinet fantôme. Si le nombre des mouvements a été limité, leur portée politique est tout sauf anecdotique. Signe de la liberté de mouvements que lui a offert la progression en voix et en sièges qu’a connue le Labour à l’occasion des élections générales, Corbyn a pu évincer le deputy leader Tom Watson, pas réellement un allié fiable, comme président du parti travailliste. C’est l’ancien mineur et syndicaliste Ian Lavery qui va assumer cette dernière fonction. Ce qui, par ailleurs, renforce le poids de Corbyn et de ses proches au sein du National Executive Committee (NEC, l’organe de régulation et de direction du Labour).
Le responsable des campagnes et des élections du Labour, Andrew Gwynne, passe de membre du shadow cabinet sans portefeuille à la responsabilité stratégique des Communautés et autorités locales. Ce « socialiste chrétien », membre du co-operative party et du syndicat Unite, est un allié discret de Corbyn. Il s’est affirmé dans la campagne, démontrant une présence et des qualités de débatteur notamment face à Boris Johnson.
Dawn Butler, une fidèle de Corbyn, fait son retour au sein du shadow cabinet qu’elle avait quitté en opposition à l’attitude du parti sur le Brexit. Lesley Laird, élue dans l’ancienne constituency de Gordon Brown face au SNP sortant, prend la position de shadow secretary pour l’Ecosse. Elle jouera un rôle pivot entre Corbyn et Kezia Dugdale, la leader du scottish Labour.
Enfin, en signe d’ouverture, le leader travailliste a intégré son rival du leadership 2016, Owen Smith, comme shadow secretary pour l’Irlande du Nord. C’est un geste politique fort de Corbyn, envers qui Smith s’était montré particulièrement féroce il y a moins d’un an. Mais le Gallois a lui-même donné des gages. Après la percée électorale du 8 juin, il avait déclaré, parlant du leader du Labour : « Je lui tire mon chapeau » après avoir concédé « j’ai clairement eu tort à propos des capacités (de Corbyn) ».
La nomination d’Owen Smith sur les questions nord-irlandaises répond à l’alliance, qui n’était qu’un projet quand il a pris cette responsabilité, entre tories et DUP. Le membre du parlement pour Pontypridd connaît bien ce dossier, pour avoir été conseiller politique du secrétaire d’Etat à l’Irlande du Nord de 2002 à 2005, Paul Murphy. Vues les qualités de combattants du Gallois et l’enjeu stratégique que présente le dossier, Theresa May aura fort à faire avec lui. D’autant que Smith connaît toujours bien ses interlocuteurs nord-irlandais.
Corbyn a donc fait un geste d’ouverture assez remarqué mais a conservé l’armature de son shadow cabinet précédent, celui qui a mené la campagne électorale. L’équipe est jeune, structurée par quelques vieux briscards comme l’inamovible John McDonnell comme shadow Chancelier de l’Echiquier ou Diane Abbott à l’intérieur. Mais le leader maintient sa ligne de confiance aux jeunes parlementaires, moins marqués par les batailles d’appareil des de la période Gordon Brown puis Ed Miliband.
Et puisque la fortune semble ne devoir cesser de lui sourire, le syndicat RMT, exclu du Labour sous Tony Blair, pourrait bientôt demander son retour à la maison travailliste. La direction du syndicat clairement ancré à gauche s’est déclarée favorable à cette orientation. Après la réadhésion de Fire Brigade Unions, le bouillant syndicat des pompiers, c’est toute la famille travailliste qui semble se retrouver. Et elle semble devoir s’élargir même alors que le nombre d’adhérents du Labour ne cesse de grandir.
Le week-end du 24 et 25 juin a vu Corbyn en star absolue du festival rock de Glastonbury. Invité à prendre la parole sur la scène principale par les organisateurs, il a pu mesurer sa popularité parmi les jeunes très nombreux. Dès l’ouverture des portes, le vendredi, alors que la queue à l’entrée semblait ne jamais devoir disparaître, le désormais célèbre chant « Oh Jeremy Corbyn », né dans un autre festival, a retenti pour la première fois. Il a rythmé tout le week-end, sur les lèvres des stars du rock et du grimme comme du public.