Budget d’automne : Philip Hammond tente de sauver sa tête
La faiblesse de Theresa May a permis à Philip Hammond de présenter le budget d’automne 2017. Ce mercredi 22 novembre, le Chancelier de l’Echiquier a dévoilé ses principales propositions pour « l’avenir de la Grande-Bretagne ». A lire les grandes lignes de ce collectif, c’est surtout sa propre survie politique qui est au coeur du budget de Hammond. Alors que les conservateurs n’ont plus de majorité à la Chambre des Communes et que les membres tory du parlement multiplient les accès de mauvaise humeur, le numéro deux du gouvernement n’avait quasiment aucune marge de manoeuvre.
Il ne peut même pas augmenter les impôts comme tous ses prédécesseurs au 11 Downing Street l’ont fait avant lui. La croissance ralentit depuis le référendum de juin 2016. Et comble de malchance, les services du budget ont publié ce matin que la dette publique a atteint le niveau record de 1,790 milliards de livres sterling.
Sa « vision pour la Grande-Bretagne après le Brexit » prend donc tous les airs d’un saupoudrage destiné à calmer les tensions les plus immédiates. Mais cet exercice, lui même, est rendu plus compliqué par les concessions que s’apprête à faire Theresa May sur l’ardoise du divorce. Initialement, la première ministre avait annoncé un montant de 20 milliards d’euros, elle a du réviser le chiffre à la hausse et envisage de mettre 40 milliards sur la table quand le président de la Commission européenne en réclame 60.
C’est dans ce contexte que Philip Hammond a présenté « son » budget d’automne. Il contient une hausse des crédits alloués au National Health Service (NHS – service national de santé), aux services publics et au logement. Le vénérable service de soins va ainsi bénéficier de 2.8 milliards de livres, bien loin des 4 « minimum » et « en urgence » réclamés par son chef, Simon Stephens. Par ailleurs, le gouvernement n’est pas parvenu à tenir sa promesse de sanctuariser le budget de la police, qui est donc en baisse. Cela n’a pas empêché le Chancelier de l’Echiquier de s’engager sur l’éradication du phénomène des sans abri à l’horizon 2027.
Hammond a commencé par réécrire son récit : « la croissance est toujours là, nous continuons à créer des emplois et la réalité de l’économie confond tous ceux qui l’annoncent en berne ». Le FMI ne nie pas la croissance, il annonce juste qu’elle va passer de 1.7 à 1.5 en 2017. L’office pour la responsabilité budgétaire confirme en révisant ses prévisions de 2 à 1.5 points de croissance… Et la productivité est, elle aussi, orientée à la baisse. Mais le numéro deux du gouvernement n’en démord pas. Il affirme une vision « claire » d’une « Grande-Bretagne globale » :
« Une économie prospère et inclusive, où chacun peut briller, et où le rêve d’être propriétaire de son logement est ouvert à tous (…) C’est ce pays que je veux. Je ne vais pas le construire aujourd’hui mais nous allons en poser les fondations. »
Pour ce faire, il souhaite dépasser le Brexit pour se projeter dans la « révolution technologique » au bord de laquelle se situe le monde. Le locataire du 11 Downing Street annonce donc des investissements dans l’intelligence artificielle et les voitures sans conducteur. Ce sont 2.3 milliards de livres qui seront consacrés à la recherche et au développement alors que les crédits d’impôts sur ce secteur sont relevés à 12%. Sur ce total, 500 millions de livres sont fléchés pour les intelligences artificielles, la 5G et le réseau en fibre optique…
On est loin des sommes brassées dans le même secteur par le privé. Selon une enquête menée par Serena Capital, en 2016, le Royaume-Uni et, dans une moindre mesure, la France dominent les levées de fonds dans l’intelligence artificielle. Les start-up britanniques de l’IA ont attiré 388 millions d’euros d’investissements contre 176 millions en 2015.
Pour aider à tourner la page, le chancelier de l’Echiquier a annoncé une hausse de la fiscalité sur le diesel. Mais uniquement sur les véhicules des particuliers. Les camionnettes utilisées par les artisans ne seront pas affectées. Le Trésor attend 200 millions de livres de ressources qui seront basculées au fonds en faveur de la qualité de l’air.
Saupoudrage encore, donc, en faveur des grandes régions du Royaume. L’Ecosse bénéficie de 2 milliards de plus, auxquels s’ajoute l’exemption de TVA pour la police et les pompiers écossais. Le Pays-de-Galles se voit accorder 1.2 milliards de livres tandis que 650 millions de livres abondent les caisses nord-irlandaises (somme à laquelle il faut ajouter les 1.5 milliards qui ont conclu les noces avec le DUP en juillet).
Là où, finalement, Philip Hammond lâche du lest, c’est bien sur Universal Credit. Cette réforme des allocations sociales a déclenché une tempête dans le pays. Le chancelier a annoncé une réduction des délais de paiement des aides d’une part et une hausse du budget alloué à la réforme, qui bénéficie d’un coup de pouce de 1.5 milliards de livres pour « rendre le dispositif plus généreux ». Ce recul politique est destiné, avant tout, à calmer la fronde des backbenchers conservateurs, remontés comme jamais.
Le chancelier de l’Echiquier aura quand même eu son effet d’annonce. Il a conclu sa présentation en annonçant que 44 milliards de livres seront engagés sur les 5 ans à venir pour soutenir le marché du logement. Avant le milieu des années 2020, il devrait y avoir 300,000 maisons en construction chaque année – le niveau le plus haut depuis les années 1970 – a-t-il affirmé.
Il abonde également à hauteur de 10 milliards de livres le fonds destiné à financer les prêts à l’achat et les primo-acheteurs se verront dispenser de droits de mutation sur les biens d’un montant égal à 300,000 livres. Ce lapin sorti du chapeau a soulevé les premiers saluts sur les bancs des parlementaires tory.
Ces annonces sur le logement et le recul concédé sur Universal Credit seront-ils suffisants pour sauver la tête de Philip Hammond ? Rien n’est moins sûr alors que 40 membres conservateurs du parlement le tiennent comme personnellement responsable de la hausse de la facture pour le divorce avec l’Union européenne ? Le fait est que, avec ce budget où le gouvernement doit intervenir sur de multiples fronts, il ne peut finalement donner satisfaction à quasiment personne.
Et, probablement pas aux Britanniques lambda. Leur préoccupation actuelle est la flambée des prix. La revalorisation du salaire minimum horaire apparaît bien dérisoire quand l’inflation atteint, cette année 2.62% (contre 0.6 en 2016).