L’extrême-droite britannique espère en finir avec UKIP
Dégager UKIP du paysage politique, c’est l’un des rares points qui pourraient mettre d’accord toute la nébuleuse des mouvements d’extrême-droite en Grand-Bretagne. La débâcle du mouvement autrefois porté par Nigel Farage lors des dernières élections générales de juin 2017 ouvre les appétits. Alors que Donald Trump a fait la courte échelle à Britain First, un groupuscule marginal, petit tour d’horizon.
En premier lieu, depuis 2015, le renouveau de l’extrême-droite se nourrit d’une montée de l’islamophobie dans tout le Royaume-Uni mais, plus particulièrement, en Angleterre. La montée du rejet de l’islam est alimentée par les attentats de Manchester mais aussi des attaques terroristes à Londres. La nouvelle génération militante est jeune, décomplexée et féminisée. Refusant le qualificatif de « raciste », elle se pose en « défenseur de l’héritage culturel » britannique, blanc et chrétien. En cela, la nouvelle vague de l’extrême-droite britannique ne diffère guère de ses équivalents continentaux.
Cela posé, toutes les composantes de la mouvance nationaliste ou d’extrême-droite britannique ne sont pas logées à la même enseigne.
Pas de changement parmi les vieux de la vieille
Grand ancien, le British National Party (BNP – 214.009 fans sur Facebook) vivote. Il a obtenu 4,580 voix aux élections générales, avec 10 candidats en lice. David Furness, porte-parole du parti, s’est félicité de ne pas « s’être ruiné comme UKIP avec des candidats partout« . Quoiqu’il en dise, le BNP ne retrouve pas son niveau d’antan. Les effectifs s’amenuisent avec 3,000 membres revendiqués pour une réalité plus proche des 500. Il poursuit ses activités comme si de rien n’était, alignant les réunions publiques sur le Brexit ou comment stopper l’immigration.
Son vieux rival, le National Front (4,113 fans sur Facebook, une centaine de membres à tout casser) se contente désormais de sa manifestation annuelle devant le cénotaphe dédié aux aux anciens combattants à Londres. Le parti créé en 1967 n’a pas été capable de se présenter aux élections générales.
L’English Defence League (EDL) divisée, réduite à quelques dizaines de membres, disparaît peu à peu du paysage passant de 250.000 à 30.000 fans sur Facebook.
Nouveau venu, Generation Identity constitue la branche britannique du mouvement identitaire qui marque des points partout en Europe. Malgré quelques coups d’éclat médiatiques, comme le déploiement d’une banderole sur Westminster Bridge, les identitaires ne parviennent pas à percer. Dans un pays qui soigne son particularisme, ses liens trop affichés avec l’extrême-droite continentale peuvent heurter.
Britain First, nouvelle entrée dans la catégorie des espoirs déçus de l’extrême-droite
Après une petite percée médiatique, Britain First – dont le nom se veut « une déclaration de guerre » – est en baisse depuis 2016. Le groupuscule multiplie les contre-performances depuis l’élection municipales de Londres à l’issue de laquelle son leader, l’ex BNP Paul Golding, n’a rassemblé que 1.2% des suffrages. En Novembre 2017, la Commission électorale nationale lui a retiré le statut de parti politique après que ses dirigeants n’aient pas réussi à prouver que les informations fournies étaient correctes et à payer les frais de 25 livres.
Paul Golding affirme que Britain First regroupe 6,000 adhérents. Côté presse britannique on s’accorde sur 800 membres, tandis que la fondation antiraciste Hope Not Hate évalue ses effectifs à un millier. Ce qui est sûr c’est qu’en un an, le groupe d’extrême-droite a perdu la moitié de ses forces. La dernière manifestation de rue organisée à Rochdale en juillet 2017 n’a rassemblé que 150 à 200 personnes.
Comme à ses débuts, le groupe a une popularité démesurée sur les réseaux sociaux (près de 2 millions de fans sur facebook, plus de trois fois le nombre d’abonnés à la page officielle de UKIP) qu’il ne retrouve pas sur le terrain. Sa conférence annuelle nationale n’a regroupé que 70 personnes dans une atmosphère paranoïaque ou ses dirigeants guettent le moindre journaliste infiltré pour lui faire passer un mauvais quart d’heure. Ses démêlés nombreux avec la police et la justice font de Britain First un repoussoir.
Pourtant le groupe vit une situation étrange. Le voilà qui se retrouve sur le devant de la scène, non pas en raison de ses frasques et comportements violents, mais grâce aux tweets de sa deputy leader, Jayda Fransen. Ces derniers ont été relayés par le président américain Donald Trump. Ces 3 vidéos, qui lui apportent une notoriété tardive, devraient pas permettre au groupe de sortir de la marginalité. Jayden Fransen a été condamnée pour harcèlement religieux aggravé en novembre 2017.
For Britain, nouvelle vitrine et vieux routiers…
Finalement c’est au sein même de UKIP qu’émerge un nouveau groupe déterminé à lui succéder. For Britain est né au lendemain de la défaite d’Anne Marie Waters lors du leadership de UKIP puis de la conférence tenue à Torquay en octobre 2017. Partie pour gagner, elle ne parvient à rassembler que 2755 suffrages face à Henry Bolton qui l’emporte avec 3,874 voix. La battue qualifie ce choix des membres du parti comme « la victoire du Jihad ».
A la suite de cet échec, l’activiste islamophobe Anne Marie Waters a décidé de lancer For Britain. Son but est de constituer un parti islamophobe, luttant contre le « grand remplacement ». Le premier objectif de la jeune formation est de se présenter partout aux élections locales de mai 2018. Rejetant les stéréotypes de l’extrême-droite, For Britain considère l’occupation des rues, action favorite de Britain First, contre-productive. Le groupe commence à se structurer, à apparaître sur les réseaux sociaux (10,000 abonnés sur Facebook). Ses premiers meetings en Janvier donneront une idée de la capacité du mouvement à émerger.
La figure de proue, Anne-Marie Waters, se situe sur une ligne politique bien plus dure que celle de UKIP. Ainsi, dans le documentaire réalisé par la chaîne ITV « Sous couverture : à l’intérieur de la nouvelle extrême-droite britannique« , elle déclare :
« L’Union Européenne s’est accordée pour faire de l’Europe un continent islamique arabe (…) On doit réduire leur taux de natalité maintenant (…) la majorité des enfants nés en Grande Bretagne aujourd’hui s’appellent Mohammed (…) Il faut stopper l’immigration maintenant. »
C’est pourtant au sein du Labour qu’elle débute son engagement politique en 2010. Trois ans plus tard, elle rejoint UKIP. Elle se présente pour la première fois aux élections locales à Lambeth. Sous la bannière du parti europhobe, elle n’obtient que 3% des suffrages. En 2015 aux élections générales, Anne Marie Waters affronte la membre du parlement travailliste sortante Heidi Alexander. Elle rassemble 9.1 % des suffrages.
Anne Marie Waters a reçu le soutien de Tommy Robinson. Connu comme le loup blanc à l’extrême-droite, il est un des fondateurs de l’English Defense League. En 2016, déjà aux côtés de Waters, il participe à l’éphémère PEGIDA UK, une autre tentative d’importation qui n’a pas rencontré le succès espéré. Alors qu’il avait annoncé prendre du recul et exercer un « travail de journaliste » pour le site canadien d’extrême-droite Rebel Media, il se remet donc en selle.
Non loin de ce noyau, des cadres de Generation Identity gravitent. La forme mainstream du mouvement, le rejet des vieilles méthodes fascistes et la priorité donnée à la lutte contre l’islamisme offrent une vitrine acceptable à la mouvance identitaire qui pourrait, donc, rejoindre le jeune For Britain.
Cette équipe est complétée par Jack Buckby. Celui qui a été le directeur de campagne de Waters pendant le leadership de UKIP est un ancien espoir du BNP, formé dans la branche jeune du vieux parti. Il est aussi connu pour s’être présenté au nom du Liberty GB dans la circonscription de Batley and Spen lors de l’élection partielle consécutive à l’assassinat de Jo Cox en 2016.
National Action, l’aile radicalisée
C’est en célébrant le meurtrier de la parlementaire travailliste que le groupuscule National Action s’est fait connaître. Il a fait des mots de Thomas Mair : « Mort aux traîtres, liberté pour la Grande-Bretagne« , sa signature sur les réseaux sociaux. Ouvertement néo-nazi, National Action rassemble entre 50 et 100 activistes dont les principaux ont été formés dans la branche jeune du BNP. Selon des informations concordantes, des militaires en activité font partie des membres actifs de l’organisation. Défendant l’idée qu’une « guerre des races » existe, le groupe a été interdit pour « terrorisme » en septembre 2017. plusieurs de ses militants ont été arrêtés sur ce chef d’inculpation
Profitant d’un trou noir dans la loi britannique, National Action continue à exister et à agir en changeant simplement de nom parmi lesquels « Scottish Dawn » et « NS131 ». De manière ironique, cette technique a été popularisée par un réseau islamiste radical.