John McDonnell, un « marxiste » au Forum économique mondial de Davos
Avec lui, tout est toujours possible. John McDonnell, shadow chancelier de l’Echiquier et donc en charge du projet économique du parti travailliste, a accepté l’invitation qui lui a été faite de participer au Forum économique mondial de Davos. Cette rencontre a lieu, chaque année, dans la station de sports d’hiver suisse. Elle réunit responsables politiques, les leaders du monde des affaires et des stars du rock connues pour leur philanthropie. Le bras droit de Jeremy Corbyn est arrivé sur place mardi 23 janvier pour inviter les participants à « réécrire les règles de l’économie globale ».
Pour John McDonnell, fils de docker né à Liverpool, marxiste revendiqué, la participation à l’événement a de quoi surprendre. Il a, par le passé, qualifié Davos de « conspiration de ‘rois' », estimant que le forum « ne saurait constituer une solution ». Le principal rédacteur du programme économique du Labour a, par ailleurs, suggéré à George Osborne, alors chancelier de l’Echiquier, de relire quelques pages du Capital de Karl Marx.
Mais, s’il est un idéologue, McDonnell est avant tout un responsable politique qui se consacre à préparer l’arrivée du Labour au pouvoir. Il est donc parti pour la Suisse pour présenter la vision économique qu’élabore le parti travailliste pour réécrire les règles du jeu économique. Le quartier général du Labour ne cache pas que le membre du parlement pour Hayes et Harlington (Londres) tiendra un discours clair :
« Il détaillera l’ambition du parti travailliste en faveur d’une approche économique alternative, de nature à remplacer le modèle actuel du capitalisme. Ce dernier constitue un échec pour le plus grand nombre et a généré une concentration insoutenable de richesses et de puissance dans les mains d’une minorité. »
Le shadow chancelier de l’Echiquier devrait également insister sur les enjeux liés aux dérèglements climatiques, alors que Donald Trump a fini par confirmer sa participation au raout. Dans le même cadre, il défendra la nécessité d’une meilleure coopération entre les pays riches et ceux en voie de développement. Le thème du Forum 2018 est « créer un avenir partagé dans un monde fracturé ».
Même s’il se dépeint lui même comme un « bureaucrate », il ne faut pas s’attendre à un iota de différence entre le discours de McDonnell et les voeux présentés par Jeremy Corbyn en début d’année. Le leader du Labour avait alors renouvelé son antienne :
« Nous sommes retenus par une élite égoïste, qui ne se préoccupe que d’elle-même, de ses amis d’un système failli qui délivre une richesse stupéfiante en haut, tandis que de plus en plus de gens luttent pour simplement joindre les deux bouts. »
Pourtant, ni l’un ni l’autre ne prônent plus la révolution socialiste au sens classique du terme. Et Corbyn s’est révélé, de l’avis des observateurs, assez doué pour arrondir les angles. Déjouant les attaques des conservateurs contre le « communiste », il est convaincant dans le rôle du modéré. Plus surprenant, McDonnell, connu pour son tempérament raide, a multiplié les rencontres avec les responsables économiques britanniques, y compris ceux de la City, durant ces derniers mois.
Peu peuvent croire que McDonnell puisse se dédire des propositions visant au retour en propriété publique du rail et des compagnies de production d’eau, par exemple, mais aussi de relever l’impôt sur les sociétés. Il s’agit en revanche de rassurer les responsables économiques. Il entend les amener à partager l’idée, en substance, qu’une économie qui fonctionne pour tous est, finalement, plus profitable pour l’ensemble. Donc pour les entreprises elles-mêmes.
L’invitation des responsables du forum de Davos à John McDonnell témoigne aussi que les principaux acteurs économiques prennent très au sérieux la possibilité de l’arrivée au pouvoir des travaillistes à plus ou moins longue échéance. En acceptant, le shadow chancelier de l’Echiquier entend aussi peaufiner l’image d’un parti travailliste prêt à prendre en main les destinées de la Grande-Bretagne.