A l’ouverture du Tournoi des 6 Nations, le rugby apparaît encore comme un sport pour riches
Un sport de voyous joué par des gentlemen. Malgré ses évolutions et sa popularité grandissante, le rugby garde, encore aujourd’hui, l’image d’une pratique de riches, appréciée de la haute société britannique. Pourtant, alors que le Tournoi des VI nations débute ce samedi 3 février, le rugby s’est imposé comme le deuxième sport le plus populaire du Royaume-Uni. Il est particulièrement apprécié dans les « régions » que constituent l’Ecosse, le Pays-de-Galles et l’Irlande du Nord. Les stades ne désemplissent pas, que ce soit pour soutenir les équipes nationales ou le parcours des clubs professionnels.
En Angleterre, le rugby a vu sa popularité grandir quand le pays qui a créé ce sport en a remporté, enfin, la coupe du monde en 2003. En janvier de cette année-là, seuls 18% des Britanniques revendiquaient s’intéresser au rugby (8e place) ; ils se sont trouvés 27% en décembre. Malgré la professionnalisation, très poussée outre-Manche, la pratique continue à se répandre. Selon les statistiques, entre 2007 et 2017, le nombre de licenciés en club a augmenté de 7.21%. A l’image de l’équipe d’Angleterre, le public s’est aussi démocratisé et largement féminisé, grâce aux exploits du XV à la rose féminin. Ce groupe a remporté par deux fois la coupe du monde, dont la dernière en 2014.
Pour autant, le jeu à quinze reste encore marqué par son image de sport des écoles privées, prisé par l’aristocratie et, surtout, la bourgeoisie. En Angleterre particulièrement. Plusieurs facteurs se conjuguent pour expliquer ce qui relève, aujourd’hui, d’une certaine caricature, notamment quand on s’intéresse aux origines sociales des joueurs du XV à la rose. Mais force est de constater que les private schools britanniques bichonnent particulièrement leurs équipes de rugby, investissant de coquettes sommes pour s’attacher la présence, en leur sein, des meilleurs espoirs. Ces « quinze » dominent d’ailleurs le circuit du rugby scolaire (school boys rugby) face à leurs homologues issus des universités publiques.
Cette pratique n’est pas sans rappeler celles des universités aux Etats-Unis pour attirer les meilleurs jeunes joueurs de basket et de football américain. Une équipe compétitive est considéré comme un facteur d’attractivité pour les élèves et, surtout, pour des parents attachés à une forme de tradition. Parce que, oui, traditionnellement, les écoles privées ont toujours fait la part belle au rugby.
C’est dans l’une d’elle que ce sport est né, dans la ville de Rugby. Selon une légende solidement ancrée, bien qu’elle ait été battue en brèche par les historiens du sport, un étudiant du collège de cette cité du Warwickshire, aurait transformé le football en rugby football. En 1823, William Webb Ellis, lors d’une partie, aurait saisi le ballon à la main et se serait mis à courir pour marquer dans le but.
La suite, elle, fait moins débat. Les collèges privés disposaient alors de vastes espaces verts propices à l’installation des grands terrains nécessaire à la pratique du rugby. En outre, le choix privilégié de cette pratique sportive permettait de se distinguer d’un football déjà pratiqué par les classes populaires. Le jeu avec les seuls pieds peut, lui, se dérouler partout, jusque dans les rues.
Ce souci de la distinction demeure vivace chez les passionnés anglais de rugby. Ils goûtent la modestie des joueurs comparée aux excès et outrances des footballeurs professionnels. Le public, lui même, tient à sa réputation. Même s’il consomme autant d’alcool que le public du football, il n’est pas entaché par la réputation de violence qui accompagne les supporters des équipes de foot et le hooliganisme.
Mais ce qui vaut pour l’Angleterre, berceau du rugby, ne vaut pas pour les autres nations britanniques. Au Pays-de-Galles, le jeu à quinze est la pratique la plus populaire, notamment en matière de spectateurs. Le « quinze au poireau » s’enorgueuillit du second plus beau palmarès du Tournoi des 6 nations. Les Gallois capitalisent 37 victoires et 11 Grands Chelems, derrière le quinze à la Rose (38 victoires et 13 Grands Chelems). A noter que le Pays-de-Galles, l’Irlande et l’Ecosse ont participé à 123 éditions du tournoi contre 121 à l’Angleterre et 88 pour la France.
En Ecosse, le rugby est le sport le plus populaire dans la région des Borders (la frontière) entre Edinburgh et l’Angleterre. Mais les Ecossais ont largement contribué, au travers de leurs migrations, à la diffusion du jeu à quinze dans la sphère anglophone. Et c’est un Ecossais de Melrose qui a créé le rugby à sept.
Le rugby irlandais présente la spécificité d’être un sport urbain. Une part de sa popularité, bien réelle, tient aussi à ce que le quinze irlandais soit la seule équipe nationale qui représente l’ensemble de l’île, avec des joueurs issus d’Irlande du Nord mais aussi de la République d’Irlande. Les résultats des clubs irlandais dans les compétitions européennes contribuent également à alimenter le succès populaire de ce sport qui est devancé, en termes de fréquentation des stades, par les jeux gaéliques.