Un budget de printemps tourné vers le Brexit et adossé à des prévisions « moins pires » que prévu
UN BUDGET TOURNE VERS LE BREXIT. Le chancelier de l’Echiquier, Philip Hammond, a présenté ce mardi 13 mars sa déclaration de printemps. Dominé par la préparation de la sortie de l’Union européenne, il n’a donné lieu à aucune annonce marquante, si ce n’est sur l’état de l’économie du Royaume-Uni. Confronté à des destructions d’emploi qui vont croissant, le numéro deux du cabinet s’est bien gardé de desserrer l’étau de l’austérité, promettant juste : « il y a une lumière au bout du tunnel« . Dans une allocution historiquement courte d’une demie heure, le chancelier a, surtout, voulu se féliciter d’une situation macro-économique moins pire que prévue.
Certes, avec une estimation à 1.3% selon l’OCDE, la croissance britannique en 2018 sera la plus faible du G20, le groupe des 20 pays les plus riches de la planète. Le Trésor, pour sa part, table sur une croissance à 1.5% en 2018, en hausse par rapport aux prévisions de novembre 2017. Mais elle devrait ralentir, toujours selon le Trésor, en 2021 et 2022. La Grande-Bretagne est passée, en deux ans, de première croissance du G7 à dernière.
Le principal organisme indépendant de recherche, The Institute for Fiscal Studies (IFS) a souligné que les estimations ont été revues à la baisse depuis mars 2016, soit avant le référendum sur la sortie de l’Union européenne. En effet, les objectifs qui devaient être atteints en 2020 le seraient, désormais, en 2023. Si et seulement si, l’économie mondiale ne subit pas de choc d’ici là.
Or, selon l’agence publique chargée du contrôle budgétaire, l’Office for Budget Responsibility (OBR), il y a une « possibilité assez élevée » de récession dans les 5 ans à venir. Le contrôleur a rappelé, ce matin :
« Il y a dix ans exactement, en mars 2008, le Trésor prévoyait une croissance cumulée de 4% en deux ans alors que la réalité s’est traduite par une chute de 4.6 points de la richesse produite. »
Un avertissement sans frais, pour le moment. Mais il tombe fort mal pour le gouvernement conservateur qui doit faire face à une ardoise s’élevant désormais à 37.1 milliards de livres (41.1 milliards d’euros) pour le Brexit, selon l’OBR. Les contribuables britanniques devraient payer jusqu’en 2064… L’agence publique a ajouté qu’il était encore impossible de quantifier l’impact exact du Brexit sur les finances publiques. Et pour cause, les négociations sont loin d’être finies.
Ce que l’on sait c’est que Philip Hammond a bloqué 1.5 milliards de livres, en 2018-2019, pour préparer le Brexit, notamment dans la perspective d’une sortie sans accord. Ce que le gouvernement tâche d’éviter. On comprendra, au regard des prévisions sur lesquelles ont été bâties le budget et des alertes lancées par l’OBR, que le chancelier de l’Echiquier se soit montré prudent sur tout le reste du budget.
Il a renvoyé les changements éventuels à une révision générale des dépenses qui aura lieu en 2019. La fiscalité des entreprises, elle, sera réévaluée, le cas échéant, en 2021. En matière fiscale, Philip Hammond a avancé une taxe sur les sacs plastiques à usage unique, pour « accompagner le changement de comportement » nécessaire à l’heure de la crise écologique. Pour le reste, il se contente de continuer à dégonfler la dette, « pour préparer un avenir aux générations futures ». De ce point de vue, le pari semble tenu.
La dette se réduit en pourcentage du produit intérieur brut et plus vite que prévu. Elle devrait atteindre 85.6% en juin 2018, l’estimation se situait à 86.5% en novembre 2017 ; les prévisions tablent désormais sur une dette à 78% du PIB en 2021-2022. Il faut néanmoins rappeler que la dette du Royaume-Uni est passée de 977.1 milliards de livres en janvier 2010 (sous un gouvernement travailliste) à 1,736.8 milliards en janvier 2018.
C’est bien la réduction des dépenses sociales qui semble permettre d’atteindre cet objectif. En avril prochain, la réforme des aides sociales va rentrer en vigueur, touchant 11 millions de personnes et se traduisant par 2.5 milliards de livres en coupes budgétaires. S’il a reconnu que le National Health Service (NHS – service public de santé) a un besoin urgent de fonds, Philip Hammond a renvoyé toute décision en la matière au budget d’automne. Il n’a en revanche pas eu un mot pour les autorités locales qui sont au bord de la rupture en matière financière.
Le chancelier de l’Echiquier s’est enfin félicité de ce que les emprunts contractés cette année, qui ne devraient pas dépasser plus de 15.4 milliards de livres, soient uniquement consacrés à l’investissement dans les infrastructures.
Le parti travailliste a répondu par la voix de John McDonnell, shadow chancelier de l’Echiquier. Fidèle à sa ligne, il a martelé: « Nous pouvons mesurer désormais que l’austérité est bien un choix politique, pas une nécessité économique ».
« Aujourd’hui, nous assistons au spectacle insoutenable d’un chancelier s’auto-congratulant pour des prévisions très légèrement meilleures que prévues. En même temps, il refuse de lever le petit doigt alors que les collectivités font faillite, que le NHS et les aides sociales s’enfoncent dans la crise, que les budgets des écoles sont réduits, que le nombre de sans abri a doublé et que les salaires s’effondrent. »