Elections locales : Jeremy Corbyn et Theresa May contraints à la victoire
A DIX JOURS DES ELECTIONS LOCALES, LES JEUX NE SEMBLENT PAS FAITS. Le 3 mai prochain, les Britanniques vont renouveler 4,300 élus dans 32 councils londoniens et 119 autres en Angleterre. Par ailleurs, les électeurs sont appelés à désigner les maires de Hackney, Lewisham, Newham, Tower Hamlets, Watford ainsi que celui de Sheffield City region. Pour le parti travailliste, ces élections sont considérées comme imperdables. Mais, au vu du regain de tension au sein du Labour, Corbyn a l’obligation de gagner. Quant à Theresa May, les urnes vont tout simplement décider de son avenir politique.
Ces derniers jours, la première ministre a connu plusieurs défaites politiques. La dernière en date s’est produite, une nouvelle fois, à la Chambre des Lords. Les pairs du Royaume ont infligé un troisième camouflet à la leader conservatrice en votant en faveur du maintien en vigueur de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne après le Brexit. Certes, la Chambre des Communes aura le dernier mot mais ce vote montre combien le leadership de Theresa May est atteint.
Or, elle vient d’ouvrir elle-même un nouveau front, au sein du parti conservateur, en proposant un « partenariat douanier » pour régir les relations commerciales entre la Grande-Bretagne et l’Europe des 27 après mars 2019. Globalement, les règles resteraient les mêmes qu’aujourd’hui. Cette proposition a, surtout, pour but de débloquer l’imbroglio autour de la frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande. Elle répond aussi au vote de la Chambre des Lords qui, la semaine dernière, a adopté par une majorité écrasante un amendement qui maintiendrait la Grande-Bretagne au sein de l’Union douanière avec l’Europe.
Las, cette position de compromis est un chiffon rouge pour le clan des Brexiters durs, parmi lesquels Boris Johnson et Michael Gove. Même le secrétaire d’Etat au commerce international, Liam Fox, considéré comme un allié fidèle de Theresa May, laisse entendre qu’il n’est pas prêt à accepter le « partenariat douanier » en l’état.
Enfin, le gouvernement a dû reculer sur le scandale qu’il a créé autour de la « Windrush generation ». Cette expression caractérise les immigrants venus des anciennes colonies britanniques dans les Caraïbes devenues indépendantes, qui se sont installés au Royaume-Uni après la deuxième guerre mondiale. Ayant participé à la reconstruction du pays, ils n’étaient pourtant pas reconnus comme citoyens à part entière. Le raidissement de la politique conservatrice en matière d’immigration, depuis 2014, a vu certains membres de la « Windrush Generation » menacés d’expulsion, d’autres ont perdu leur emploi ou se sont vus refuser des soins médicaux.
Le quotidien de centre-gauche The Guardian a mis en lumière le drame que rencontre ces Caribéens auxquels la Grande-Bretagne doit beaucoup. Le tollé qui en a suivi a atteint la Chambre des Communes. Après avoir tenté de reporter la faute sur les travaillistes, le gouvernement a été contraint au recul. Lundi 23 avril, la ministre de l’Intérieur Amber Rudd s’est engagé à ce que les survivants de la « Windrush Generation » obtiennent la citoyenneté britannique. Marquant une « première étape« , elle a présenté les excuses officielles du gouvernement.
Cet acte de contrition politique ne semble pas calmer quoi que ce soit. Celui par lequel le scandale est arrivé, Albert Thompson, un Jamaïcain, est toujours dans le noir concernant le traitement de son cancer, qui lui est jusqu’à présent refusé. Il a affirmé, hier, que pour lui rien n’a changé concrètement, malgré la promesse qui lui a été faite par Theresa May en personne.
Dans ce contexte, les conservateurs s’apprêtent à subir un de leurs plus sérieux revers lors des élections locales. Les enquêtes d’opinion et les sondages, jusqu’à ces derniers jours, annonçaient un raz de marée rouge, d’autant que ce sont surtout les sièges des aires métropolitaines : Londres et Manchester, notamment, qui sont concernées par le scrutin. Or, la sociologie des ces métropoles est assez favorable à Jeremy Corbyn.
Mais, depuis la cristallisation autour des questions sur l’antisémitisme au sein du Labour party, les tensions internes se sont réveillées. D’autant qu’elles ont coïncidé avec le retour dans l’actualité des questions internationales qui clivent au sein du parti travailliste : l’attitude envers la Russie, après la tentative d’empoisonnement de l’ancien agent double Sergeï Skripal, et les frappes aériennes en Syrie. Sur ces deux sujets, le leader du Labour s’est retrouvé en minorité au sein de son propre parti.
Dans ce contexte, Corbyn doit impérativement gagner les élections du 3 mai. Ce qui signifie, déjà, ne pas perdre de sièges. Si le solde net des sièges travaillistes venait à diminuer à l’issue du scrutin, une nouvelle motion de défiance pourrait être déposée avant l’été au sein du Parliamentary Labour party (PLP – le groupe parlementaire et une des trois composantes organiques du parti travailliste). La seule assurance de sérénité pour le vétéran socialiste consiste en des gains supérieurs à 100 sièges. Il pourrait alors affirmer que les électeurs soutiennent effectivement sa ligne politique.
Pour Theresa May, ce scénario signifierait, à l’inverse, son départ du 10 Downing Street. Contestée au sein de son propre parti, la première ministre est en sursis depuis plusieurs mois. Elle aussi est soumise à l’obligation de gagner des sièges ou, à tout le moins, de ne pas en perdre.