Déconnexion des élections générales et locales, les réactions contrastées du paysage politique et médiatique
A lire les unes de la presse britannique à la veille des élections locales du mois de Mai 2018, on ne pouvait s’attendre qu’à une défaite humiliante pour les conservateurs et Theresa May ou, pour les journaux de l’autre bord, à un échec cuisant pour le Labour. Cet empressement de voir la Première Ministre chuter, partagé par une partie du Labour, des conservateurs et de quelques journalistes en mal de « une sanglante », n’a pas tenu compte des mécanismes particuliers qui régissent ce type de scrutin. D’ailleurs on ne manque jamais de rappeler depuis l’accession de Jeremy Corbyn à la tête du Labour que le parti n’avait pas réussi à chasser les tories au pouvoir lors des élections générales dans les années 1980 alors que celui ci gagnait largement les scrutins locaux.
Pourquoi le grand chamboulement annoncé n’a pas eu lieu ? Tout simplement parce le parti travaillistes, dans les 150 circonscriptions concernées, partait de très haut avec 2.279 conseillers sur plus de 4.400 sièges. Malgré ce qui pouvait apparaître comme un étiage, il progresse de 79 sièges et sort du scrutin avec un total de 2.350 élus soit plus de 53% des conseillers. Mais l’espérance de voir les tories balayés laissait espérer de bien meilleurs résultats.
Certains tenants de l’aile droite du parti ruminent à l’égard de la direction du parti qu’elle fait moins bien que lorsque Tony Blair était à la tête du Labour. Ce faisant, ils ne tiennent toujours pas compte du fait que le paysage politique était bien différent à l’époque (le parti europhobe UKIP n’a émergé que 10 ans après sa formation en 1993, et le pays sortait de plusieurs décennies de pouvoir des conservateurs).
Selon la BBC le Labour a rassemblé 35 % des suffrages (8 % de plus qu’au scrutin de 2017 mais qui se déroulait dans des circonscriptions différentes), les tories 35 % (-3), les libéraux démocrates 16 % (-2).
Seuls 4 conseils sur 150 ont basculé de majorité d’un parti à l’autre. Les Tories ont gagné celui de Redditch sur le Labour. Les tories ont gagné une majorité d’élus à Basildon. Mais en revanche il perd la majorité à Mole Valley et Trafford, le seul conseil qu’ils dirigeaient dans l’aire métropolitaine de Manchester.
Le Labour remporte la majorité sur trois conseils où, jusqu’alors, aucun parti ne pouvait prétendre à la direction seul : Kirklees, Plymouth et Tower Hamlets. Il perd la majorité à Derby, Nuneaton et Bedworth.
Les Libéraux démocrates remporte Kingston-Upon-Thames, Richmond-Upon-Thames, et South Cambridgeshire.
Les grand équilibres du paysage politique n’ont pas bougé et les tendances que l’on observait durant les mois précédents se sont confirmées.
La domination du Labour dans le grand Londres se confirme : le parti y remporte plus de 1.100 sièges tandis que les tories reculent d’une centaine d’élus à 511 sièges.
Dans ce contexte, les conservateurs peuvent respirer. Ils peuvent aussi mettre en avant leurs résultats en dehors de Londres. De fait, en Angleterre, le parti continue de phagocyter l’électorat d’un UKIP qui voit à chaque scrutin s’éloigner une remontée électorale de plus en plus hypothétique. Les tories gagnent ainsi 68 sièges, ce qui compense les pertes liées à la remontée des Libéraux démocrates qui s’effectue essentiellement à leurs dépends.
Alternatives marginales
Les Lib-dems avec 75 élus supplémentaires pour un total de 536 sièges et 9 conseils demeurent tout de même loin des deux mastodontes. Tandis que les verts avec 8 nouveaux élus pour un total de 39 sièges restent marginalisés. UKIP subit pour sa part une réelle submersion. De 126 élus sortants, il n’en reste que 3. Seule consolation, l’élection d’un conseiller à Derby qui permet de faire chuter le Labour, tandis qu’aucune formation prétendant le remplacer (à l’exception des tories) n’est parvenue à sortir du lot.
Du coup Theresa May a tenté de présenter cette séquence à son avantage, ce qui est loin d’être le cas, alors qu’elle affronte les pires difficultés au plan national avec le Brexit.