Discours de la Reine – Boris Johnson revient avec un programme chargé
Moins d’une semaine après les élections générales, le discours de la Reine a ouvert, jeudi 19 décembre, la nouvelle session parlementaire. Pour la 66e fois depuis le début de son règne, et la deuxième en moins de trois mois, la Reine a présenté les projets de loi mis à l’agenda par le parti conservateur. Si Elizabeth II l’a lu, c’est le Premier ministre qui l’a écrit.
Boris Johnson a donc proposé pas moins d’une vingtaine de nouvelles lois et confirmé une douzaine de projets qui étaient déjà sur la table. Mais l’axe majeur de son programme de gouvernement demeure l’adoption d’une législation destinée à tourner la page du Brexit.
Le programme en détail :
En priorité les lois sur le Brexit
La première loi doit assurer la sortie du Royaume Uni de l’Union Européenne au 31 Janvier 2020. Boris Johnson se voit déjà accuser de vouloir réduire les pouvoirs du Parlement dans les pourparlers avec l’Union Européenne au prétexte qu’il n’entend pas perdre de temps et tenir les délais.
Dans la foulée, il soumet au vote du parlement une loi sur pour « libérer nos agriculteurs de la bureaucratie de la communauté européenne« , tout en promettant d’améliorer l’efficacité de l’agriculture du pays (qui est loin de subvenir aux besoins des habitants).
Toujours dans la foulée de la loi sur Brexit, une loi sur la pêche, « pour reprendre le contrôle de nos eaux« . Avec des dispositions pour permettre aux administrations locales de gérer la pêche comme elles l’entendent.
Une loi sur le commerce, pour garantir au pays une politique commerciale indépendante.
Dans le cadre de la loi sur le retrait de l’Union Européenne, un chapitre sur l’immigration et la sécurité sociale : on y trouve des dispositions pour mettre fin à la liberté de mouvement avec l’Union Européenne à partir de 2021, et la mise en place d’un système à points pour ceux qui souhaiteraient s’installer. Les résidents de l’Union Européenne seront soumis aux mêmes contrôles que les citoyens non européens. Il est également question de modifier les conditions d’accès aux prestations de la sécurité sociale. On note la mise en place d’un visa express pour favoriser l’entrée des personnels de santé sur le territoire.
Une loi sur les services financiers suivra pour permettre au « Royaume-Uni de rester ouvert aux marchés internationaux après le Brexit« . Ainsi qu’une loi sur l’accès à la justice pour les citoyens britanniques, en cas de conflit qui dépasserait les frontières.
Une loi sur le financement du système de santé national (le National Health Service) est prévue afin de garantir les subventions promises par les conservateurs.
A l’horizon 2023-2024, il est annoncé une hausse annuelle du budget alloué au National Health Service de près de 34 milliards de Livres. Cela porte uniquement sur l’Angleterre. Ni l’Ecosse, ni le Pays de Galles ni l’Irlande du Nord ne sont concernés. La hausse atteindrait 3.4 % par an, plus forte que sous Theresa May ou David Cameron. La hausse annuelle du budget de la santé était de 6% par an sous Gordon Brown et Tony Blair. Mesure symbolique, la fin du parking payant des hôpitaux pour ceux qui « seraient dans le plus grand besoin« .
Boris Johnson a réitéré son intention de permettre le recrutement de 50,000 infirmières, 6,000 médecins et 6,000 autres personnels, alors que tout le monde s’accorde à dire que c’est intenable.
Une loi supplémentaire est prévue pour faciliter l’accès aux meilleurs médicaments et rendre le processus plus simple pour les hôpitaux britanniques en matière de fabrication et d’essai. Cela concerne également les équipements. Une autre loi portera sur la sécurité des patients afin de prévenir toutes sortes d’incidents. Au préalable, une enquête portera sur l’Angleterre uniquement. Compte tenu du nombre d’incidents relatés dans la presse ces dernières semaines dont certains se sont traduits par le décès des patients, on ne doute pas que l’enquête trouvera des éléments…
Une loi sur l’emploi est prévue au programme pour « protéger et améliorer les droits des travailleurs alors que le Royaume Uni quitte l’Union Européenne » et pour promouvoir « l’équité sur le lieu de travail« . C’est peu de dire qu’elle est très attendue par les syndicats britanniques qui redoutent une dégradation des droits des salariés avec le Brexit.
Un nouvel organisme serait créé pour protéger les salariés les plus précaires (faible salaires notamment et ceux contraints de multiplier les contrats). Dans le cadre de ce projet, un milliard de livre est promis pour améliorer le secteur de la petite enfance.
L’absence de la hausse du salaire minimum a été remarquée. Les tories avaient promis la hausse à la hauteur de 10.5 livres en 2023. Là, rien.
Dans l’immobilier, il est annoncé une loi pour rendre le marché locatif « plus équitable » et pour améliorer la sécurité des locataires. Il est aussi promis de renforcer les droits des propriétaires et de « professionnaliser le secteur des agents de location ». On annonce également une loi pour renforcer la sécurité dans la construction. Une loi est prévue sur la sécurité incendie, conséquence de la tragédie de Grenfell. Afin de montrer que le gouvernement prend au sérieux la question (alors que nombre de victimes de Grenfell n’ont toujours pas été relogées). Il fait porter la responsabilité aux propriétaires et opérateurs des immeubles dont les murs extérieurs comportent des risques.
Une loi sur les régimes de retraites est prévue. « Pour assurer leur garantie au 21e siècle ».
Pas de gouvernement conservateur sans loi antiterroriste, justement c’est aussi prévu au programme. En réaction à des événements récents, les Tories souhaitent que les personnes en prison pour terrorisme y restent plus longtemps, au minimum 14 ans pour « les pires d’entre eux« . Une loi est aussi prévue pour maintenir en prison les délinquants sexuels les plus violents. Un autre projet de loi doit permette aux conseils locaux, services sociaux et à l’éducation national de travailler ensemble en partageant données et information pour prévenir les violences les plus sérieuses. Elle s’appliquerait à l’Angleterre et au Pays de Galles. Les barbares au nord du mur d’Hadrien et les terroristes nord irlandais ne sont pas concernés. Une autre loi sur la divulgation d’information sur les victimes par les personnes convaincues de meurtre ou de pédophilie doit permettre de leur interdire de dévoiler tout élément.
Une loi sur les divorces et séparation est au programme pour encourager les couples à « être aussi constructifs que possible« . Une loi sur les violences domestiques est aussi prévue pour « améliorer la protection des victimes et de leurs enfants« , ainsi que le soutien. Tout en s’assurant que ceux qui ont commis ces violences soient effectivement jugés.
Une loi d’extradition est prévue pour arrêter toute personne dangereuse et la faire comparaître devant la Cour dans les 24 heures de son interpellation. Si une personne est recherchée et originaire d’un « pays de confiance » les policiers pourront l’arrêter sans mandat. Il est également prévu de lutter contre les réseaux de crime organisés, en empêchant des criminels étrangers de revenir au Royaume Uni.
Une loi sur l’espionnage est programmée également dans le but de durcir les peines actuelles. Les conservateurs parlent de « modernisation« .
Une loi sur le trafic aérien est au programme. On promet de défendre les 230,000 emplois du secteur aérien du Royaume Uni dans ce cadre. On évoque aussi un cadre législatif pour rendre « les vols plus rapides, plus tranquilles, plus propres, en modernisant l’espace aérien« . On renforce aussi avec ce projet de loi « toute réponse appropriée aux violations de l’espace aérien« .
Dans le secteur ferroviaire, les conservateurs promettent une loi instaurant le service minimum tout en jurant qu’ils souhaitent « préserver le droit de grève« .
Une loi de sécurité nationale est annoncée pour permettre au gouvernement d’intervenir en cas de fusion ou acquisition pour « protéger l’intérêt national ».
Le 32e projet de loi concerne l’environnement. Il y est annoncé l’amélioration de la biodiversité, une meilleure approche du recyclage… et des pouvoirs accrus aux autorités locales pour réduire la pollution de l’air. Des taxes seraient instaurées pour les produits à usage unique.
Dernier projet de loi, la protection animale. Le gouvernement conservateur souhaite améliorer les protections et le bien être des animaux.
Des promesses sont faites sans rentrer dans les détails sur la protection sociale, sur une réforme de la santé mentale et sur la hausse du budget de l’éducation, ou sur internet la mise en place d’une infrastructure réseau au plan national.
En réaction au discours de la Reine, un Jeremy Corbyn effacé a critiqué un « discours misérable« , dénonçant un catalogue qui ressemble « à une pale copie du programme du Labour« . Il a ajouté que le temps des désillusions viendrait vite pour ceux qui ont voté en croyant aux promesses des tories.
Ecosse Acte 2
Nicola Sturgeon a formellement demandé par courrier au Premier Ministre l’organisation d’un nouveau référendum sur l’indépendance de l’Ecosse. C’est le retour de la section 30, qui permet le transfert de pouvoirs de Westminster à Holyrood afin de convoquer un référendum. En Ecosse Nicola Sturgeon est soutenue dans sa démarche par le SNP et les écologistes qui ont voté dans par 68 voix contre 54 au Parlement écossais la démarche de Nicola Sturgeon.
Ian Blackford, porte parole du Scottish National Party à la Chambre des Communes a sonné la charge, consacrant l’essentiel de son temps parole à défendre la cause du référendum. Sur le discours de la Reine, il a déclaré que ce programme, s’il était appliqué en Ecosse, constituerait un « désastre« .
Boris Johnson, moqueur, a, une nouvelle fois, balayé les arguments du SNP, arguant du fait que les nationalistes écossais passent plus de temps à vouloir « casser le Royaume Uni que de régler les problèmes locaux« .
Irlande du Nord : le ton monte
En réponse à la demande commune du DUP et du Sinn Feinn de voir le gouvernement de Londres accorder une rallonger financière, le secrétaire d’Etat à l’Irlande du Nord a opposé une fin de non recevoir. « Réglez vos problèmes vous mêmes« . Il a également ajouté que ce n’était pas à Londres de régler à leur place la crise du système de santé local. Sous effectifs, salariés moins bien payés que dans le reste du Royaume Uni, les motifs de la grève dans le secteur ne manquaient pas.
Au Labour les candidatures se bousculent
Pour les travaillistes, c’est, une fois de plus, l’agenda interne qui a pris le pas sur la politique nationale. Il s’agit de régler la succession de Jeremy Corbyn. Keir Starmer (ex partisan d’Andy Burnham, puis d’Owen Smith) a confirmé son intérêt pour le poste de leader du parti. Clive Lewis (élu de Norwich) a annoncé sa candidature. Emily Thornnbery (élue de Londres) se porte candidate aussi. Yvette Cooper a exprimé son intérêt pour le poste tout en reconnaissant que le « parti avait beaucoup changé depuis sa candidature en 2015« . Richard Burgon s’est porté candidat au poste de Deputy Leader, il se verrait volontiers adjoint de Rebecca Long Bailey en mars 2020.