Dans l’ombre de UKIP, l’extrême-droite s’active
Dans une période qu’ils jugent propice, alors que le parti de Nigel Farage rassemble l’essentiel des suffrages qui se portaient naguère vers le British National Party, d’autres organisations émergent, déterminées à ne pas laisser UKIP seul représentant de l’extrême-droite. La crise des migrants à Calais et la multiplication des attentats : à Beyrouth, Paris et probablement en Egypte, constituent le terreau sur lequel les chapelles de l’extrême-droite tentent de prospérer.
Un British National Party en voie de disparition.
Le regroupement qui avait mené à sa fondation en 1982, dans la foulée du split du National Front, est bien loin d’afficher le lustre d’antan. La percée électorale de 2008-2009, qui a vu le BNP obtenir des élus dans une cinquantaine de conseils locaux, deux députés européens et plus de 900 000 voix est bien loin. Aux élections générales de 2015, le BNP n’a pu présenter que 8 candidats (contre 7 au National Front qui persiste) alors qu’en 2010 il en alignait 339. Il a rassemblé moins de 1 700 suffrages, tandis que UKIP en regroupait 4 millions. Nigel Farage avait d’ailleurs déclaré qu’il « était fier d’avoir attiré au moins un tiers des électeurs du BNP dans le sillage de UKIP ».
Du côté des adhérents, la chute est tout aussi nette : moins de 500 membres en 2015, alors qu’en 2013 le BNP revendiquait 4 200 membres à jour de cotisation. Après l’éviction de Nick Griffin (leader du parti de 1999 à 2014), le BNP a implosé.
L’English Defence League sous haute surveillance
Formé en 2009, l’English Defence League tenait la corde pour prendre les devants. Pourtant, l’affluence décline lors des manifestations organisées contre la communauté musulmane. De plusieurs milliers, on ne compte plus que quelques dizaines de militants encadrés par de nombreux policiers, tandis que les contre-manifestations antifascistes rassemblent bien plus largement. Les dizaines de milliers de sympathisants estimés en 2011 sont partis voir ailleurs. L’assassinat d’un soldat britannique, Lee Rigby, à Woolwich en 2013, a été utilisée par cette structure (et par toute l’extrême-droite) pour se remobiliser.
Dans la foulée, elle a profité d’un regain de popularité sur les réseaux sociaux (doublant son audience sur Facebook – 243 000 likes aujourd’hui ) et rassemblé 1 500 personnes à Newcastle lors d’une manifestation. Aujourd’hui les démonstrations de l’EDL regroupent à peine une centaine de membres. Le groupe est sous la surveillance constante de la police en raison de son « amour » pour la violence. Plusieurs dizaines de membres ont d’ailleurs fait des séjours en prisons pour troubles à l’ordre public et agressions à la suite de leurs manifestations. On retiendra que cette structure évite de se frotter au suffrage universel. Elle a tout de même réussi à regrouper toute la myriade de militants d’extrême-droite avides de violence, qui se tournaient autrefois vers des structures ouvertement néo-nazies du type British Movement.
Britain First, le regroupement en vue ?
Dans la guerre de succession, Britain First, constitué en 2011 par d’anciens membres du BNP, semble prendre l’ascendant.
Le groupe intrigue par sa capacité à utiliser et à se développer sur les réseaux sociaux. Il affiche plus d’un million de « like » sur Facebook, là où UKIP en capitalise 500 000. L’association antiraciste Hope Not Hate se montre plutôt inquiète de la rapide montée en puissance de ce mouvement. Elle considère Britain First comme le plus dangereux en Grande Bretagne à l’heure actuelle et ce, en dépit du fait que le nombre de soutiens sur Facebook serait en réalité trois fois moins important. La montée en puissance de cette mouvance reste préoccupante dans la mesure où plus de 1 500 personnes ont rejoint ses rangs ces six derniers mois.
Britain First, fort de ses soutiens réels ou supposés, n’hésite pas à se proclamer premier parti du Royaume-Uni, alors que ses résultats électoraux sont marginaux. En 2014, il avait appelé à voter pour UKIP en Angleterre, tandis qu’il se présentait au Pays de Galles et en Ecosse. Lors du scrutin européen de 2014, il n’a pas hésité à utiliser la phrase « souvenez-vous de Lee Rigby » sur ses bulletins de vote. Ce, malgré les protestations virulentes de la famille du soldat décédé. Paul Golding, le leader du parti, est candidat à l’élection municipale à Londres en 2016.
Il n’empêche que le mouvement est à la croisée des chemins. Les manifestations de rue, qui voient les participants brandir des croix pour protester contre l’islamisation de la Grande-Bretagne, restent marginales. Britain First n’est pas parvenu à passer le cap de la percée électorale, hésitant entre se jeter dans le grand bain ou soutenir UKIP. Dans ce contexte où ils ne parviennent pas à surmonter leurs divisions, UKIP domine toujours sur le plan électoral. Les relations sont compliquées avec Farage. Ce dernier affirme ne rien avoir en commun avec eux, mais Britain First continue à s’inviter dans les initiatives publiques de UKIP.
Silvère Chabot