Europe : un deal pour sauver les apparences, mais qui ne convainc pas
Laborieuse session à la Chambre des communes pour David Cameron, ce mercredi 3 février. En guise de hors d’oeuvre, il lui a fallu subir une nouvelle salve de questions du leader de l’opposition. Cette fois, Jeremy Corbyn a axé ces interventions sur les patients atteints de cancer. Après cette entrée en matière, le Premier ministre a du présenter l’accord négocié avec l’Union Européenne afin d’éviter la sortie du Royaume-Uni, suite à ses quatre propositions. La question du référendum est enfin venue sur le tapis. Cameron s’en sort chanceux, grâce à la modération des eurosceptiques de son propre camp qui ne se sont pas montrés virulents au Parlement. Il n’y a pas eu de bain de sang. Mais il n’est pas exclu que la campagne dérape d’ici le mois de juin alors que 5 ministres s’apprêtent à soutenir les partisans de la sortie.
Au-delà du contenu du deal et des questions posées au Premier Ministre, ce qui étonne toujours avec David Cameron – à la tête du gouvernement depuis 2010 – c’est cette attitude nonchalante, son acharnement à faire des blagues qui tombent toujours à côté, le tout en se montrant très approximatif les fois où il ne répond pas à côté. Sa saillie du jour vaut d’être relevée. Tentant de moquer la position travailliste sur le maintien du programme de renouvellement de sous-marin d’attaque Trident mais sans armement nucléaire, David Cameron s’est laissé aller à évoquer « le projet du Labour d’utiliser les submersibles comme transport de troupes », en faisant « le service Uber le plus cher auquel personne n’aurait pensé ».
Mais, ce 3 février, le Premier ministre a multiplié les approximations dans quasiment tous les domaines. Jeremy Corbyn avait décidé de focaliser ses questions sur les patients atteints de cancer. Cela ne doit rien au hasard : le 4 février est la journée mondiale de lutte contre le cancer. Chaque jour, 1,000 personnes dans le monde sont diagnostiquées cancéreuses. Le leader du Labour party a souligné l’importance d’un diagnostic le plus précoce possible de la maladie. Dans un contexte où le Royaume-Uni manque de radiologistes, voilà que le gouvernement supprime des places au concours ? Réponse de David Cameron : il y a de l’argent et nous y travaillons, sans aucune précision, tout en ne manquant pas de souligner « la folie » des propositions de Jeremy Corbyn.
Evidemment, l’intéressé a mis en exergue l’absence de réponse chiffrée et concrète du Premier Ministre, alors que son gouvernement va justement réduire de 200 millions de livres les crédits de la santé. David Cameron a répondu qu’il y avait 1,800 radiologistes supplémentaires depuis 2010, en Angleterre et au Pays de Galles, taclant au passage le fait que le Labour, au pouvoir au Pays de Galles, n’engage pas de fonds en faveur de la lutte contre le cancer.
Corbyn a rappelé au Premier ministre que ce dernier est responsable du NHS en Angleterre et pas au Pays de Galles et qu’il y a bien une politique de santé qui est menée sur place. Le leader travailliste a souligné que le taux de survie au cancer croît plus vite au Pays de Galles qu’en Angleterre… Puis, face à une question sur le temps d’attente pour les patients atteints de cancer, Cameron s’est montré évasif ou hors sujet, s’attaquant aux politiques de santé en Ecosse et au Pays de Galles, mais incapable de répondre précisément. Quand Stella Creasy lui a demandé pourquoi l’hôpital de sa circonscription paie 1.5 millions par semaine pour des intérêts bancaires, Cameron a rappelé qu’il est en campagne en permanence, lorsqu’il a souligné que « l’hôpital paie les dégâts causés par les travaillistes au pouvoir« .
Sur l’Europe, David Cameron s’est encore fait taper sur les doigts. La veille, il avait présenté l’accord négocié avec l’Union européenne à la presse au lieu de le faire devant la chambre des communes. Une légèreté qui passe mal, d’autant que le Premier ministre affirme vouloir maintenir la « souveraineté du parlement » britannique, face à l’Union européenne.
Il a finalement présenté un point d’étape sur les négociations avec les partenaires européens, quelques jours avant un sommet de l’Union présenté comme crucial. Cameron affirme avoir obtenu un accord de principe sur l’ensemble de ses demandes. Une assertion qui a surtout pour vocation de cimenter, autour de lui, les plus tièdes des eurosceptiques, comme la Home secretary Theresa May ou le trublion Boris Johnson, toujours maire de Londres.
David Cameron se prévaut d’avoir obtenu des garanties sur :
- le maintien à l’écart de la Grande-Bretagne de tout processus visant à plus d’intégration politique, une sérieuse entaille au projet commun de l’Union européenne ;
- les parlements nationaux disposeront de pouvoirs pour bloquer les lois et directives européennes ;
- l’Europe fera mieux respecter le principe de subsidiarité ;
- Des mesures pour promouvoir la compétitivité ;
- Des mesures pour protéger le marché commun, tout en assurant une protection des pays non membres de la zone euro ;
- La garantie que le Royaume-Uni ne sera pas mis à contribution pour les futurs plans de renflouement des pays appartenant à l’eurozone.
Il affirme également avoir obtenu la possibilité d’utiliser une procédure, appelée « frein d’urgence », pour écarter les ressortissants des pays membres de l’Union européenne du bénéfice de la protection sociale, quand ce bénéfice met en péril la balance des comptes budgétaires.
Le leader travailliste, Jeremy Corbyn, a sèchement taclé le deal obtenu par Cameron, comme un « nuage de fumée » qui camouflerait mal son absence de prise en compte de la défense des droits des travailleurs. Lors de ce clash courtois, le patron du Labour a condamné le premier ministre qui a permis que « le mélodrame conservateur se déroule sous nos yeux » sans prendre en compte les vrais problèmes de l’Union européenne.
Silvère Chabot