Le gouvernement de Theresa May entre rupture et continuité
Nommée chef du gouvernement du Royaume-Uni le 13 juillet, Theresa May n’a pas perdu de temps pour constituer son cabinet. Si son discours empreint d’appel à l’unité du pays, et d’une tonalité sociale, ne marquait pas une rupture franche avec son prédécesseur David Cameron, la constitution de son gouvernement donne une autre impression. Le nouveau cabinet est plus marqué à droite et nombre de proches de David Cameron prennent la porte. D’ailleurs la travailliste Yvette Cooper (ancienne candidate au leadership du parti) n’a pas manqué de souligner le « fossé entre le discours et la réalité du remaniement gouvernemental qui est marqué à droite ». Le leader du SNP Angus Robertson a qualifié le cabinet comme l’un « des plus droitiers de l’ère moderne :
De Boris Johnson, comme Foreign Secretary – celui qui nous représentera sur la scène internationale -, à David Davis, ministre du Brexit minister, et Liam Fox au commerce, ce sonr les partisans de la sortie qui vont diriger la politique étrangère du Royaume-Uni.
Le cabinet compte 23 membres dont 8 femmes.
Tour d’horizon des nominations :
Premier nommé au cabinet, Philip Hammond prend le poste de Chancellier de l’Echiquier. Ancien ministre des affaires étrangères dans le précédent gouvernement de David Cameron, il était partisan du maintien lors du référendum, tout en adoptant une ligne dure sur l’immigration. Il a écarté l’idée de mettre en place un budget d’urgence qu’évoquait Georges Osborne en cas de sortie de l’Union Europénne.
Amber Rudd : ministre de l’intérieur. Proche du camp du maintien lors du référendum, elle succède à Theresa May dont elle est une fidèle. Une promotion pour celle qui était ministre de l’énergie et du changement climatique en 2015. Ce poste disparaît d’ailleurs, provoquant la colère des écologistes
Boris Johnson, ministre des affaires étrangères. Une bonne partie de la presse britannique affiche sa surprise de voir le vainqueur de la campagne pour la sortie du Royaume-Uni prendre les Affaires étrangères. Mais Theresa May récompense l’ancien maire de Londres qui lui a apporté son soutien dans la course au leadership. Elle part du principe qu’il vaut mieux avoir le trublion au sein du gouvernement, tout en sachant qu’a ce poste il part handicapé par ses nombreuses déclarations provocatrices (qualifiant les africains de « piccaninnies » -négrillons- ou ayant décrit Hillary Clinton, candidate aux élections présidentielles US, comme « ayant l’air d’une infirmière sadique dans un hôpital psychiatrique »). Le cas échéant, si les négociations sur le Brexit prennent une mauvaise tournure, il pourrait servir de fusible et porter le chapeau de l’échec. Boris Johnson est le seul Etonian du cabinet.
David Davis : ministre chargé de la sortie du Royaume-Uni. Ancien élu sous le règne de Margaret Thatcher, rival malheureux de David Cameron en 2005, ancien ministre et partisan de la peine de mort, Davis est un eurosceptique viscéral. Il est chargé de négocier les conditions de la sortie de l’Union Européenne. Il a d’ores et déjà annoncé que le déclenchement de l’article 50 ne se ferait pas avant la fin de l’année.
Liam Fox : commerce international. Ephémère ministre de la défense sous Cameron, il avait démissionné rapidement en raison de conflits d’intérêts. Candidat à plusieurs reprises au leadership du parti conservateur, il n’a jamais réussi à franchir le premier tour. Partisan dans la sortie du Royaume-Uni.
Liz Truss : Justice. Ancienne ministre de l’environnement et de l’agriculture pendant deux ans, elle était partisane du maintien lors du référendum. Elle sera également Lord Chancellor.
Michael Fallon : ministre de la Défense. Il est des rares ministres qui conserve son poste. En place depuis 2014, il était partisan du maintien dans l’Union Européenne (et ce depuis le référendum de 1975).
Damian Green : ministre du travail. Ancien journaliste, il a travaillé pour Theresa May au ministère de l’intérieur
Jeremy Hunt : ministre de la santé. Nombre de personnels hospitaliers ont crié victoire un peu vite, lorsque la rumeur laissait entendre qu’il serait débarqué du ministère qu’il occupait depuis 2015. Un choix controversé annonciateurs d’autres conflits avec les personnels de santé.
David Lidington, leader de la chambre des Communes. Ancien ministre chargé de l’Europe, élu d’Aylesbury depuis 1992.
Priti Patel : développement international. Ancienne ministre de l’emploi sous David Cameron, participante active de la direction de la campagne du vote Leave. L’ironie du sort veut qu’elle hérite d’un poste qu’elle avait proposé de supprimer.
Justine Greening : éducation. Soutien de Theresa May, ancienne ministre chargée du développement international. Pour le maintien lors du référendum.
Baronne Evans of Bowes Park : Leader de la chambre des Lords
Greg Clark Secrétaire d’État à l’Économie, à l’Énergie et à la stratégie industrielle. Il hérite de la fusion des postes de l’économie et de l’énergie. Ancien ministre des communautés. Ancien social démocrate, il fait figure de modéré dans le cabinet.
Chris Grayling : Transports. Grayling a dirigé la campagne de Theresa May pour le leadership du parti. Elle le récompense par un poste au cabinet. Ancien ministre de la justice qui s’était distingué par l’interdiction d’envoi de livres aux détenus en prison. Michael Gove son successeur à la justice avait annulé cette mesure.
James Brokenshire : Ministre chargé de l’Irlande du Nord. Ancien ministre chargé de l’immigration, fidèle de Theresa May, plutôt enclin à ne pas promettre aux résidents européens qu’ils puissent continuer à résider au Royaume-Uni.
Andrea Leadsom : Environment. Celle qui a permis d’abréger la course au leadership en se retirant se voit récompensée. Elle aura a gérer la question de la fin des subventions européennes à l’agriculture. Sa nomination est mal vue du côté des écologistes qui rappellent qu’elle avait appelé la fracturation hydraulique « une opportunité à ne pas manquer ». Andrea Leadsom s’est également déclaré favorable au rétablissement de la chasse au renard. La voilà au ministère chargé du dossier. Ira-t-elle jusqu’à soumettre un vote au Parlement sur ce sujet ?
Sajid Javid : communautés. Ancien ministre de l’économie qui n’avait pas brillé lorsque Tata Steel avait annoncé la vente du site de Port Talbot. Il conserve un poste au gouvernement, mais sera moins exposé, et moins en vue.
Alun Cairns : Pays-de-Galles. Sous ministre chargé du Pays-de-Galles de 2014 à 2015, il est maintenu en poste. Il a prévenu que les subventions européennes que recevaient le Pays-de-Galles ne pourraient pas être remplacées par le Royaume-Uni.
Karen Bradley : ministre de la culture. Une promotion : ministre junior de l’intérieur sous la férule de May, elle a gagné le droit de siéger au cabinet pour la première fois de sa carrière.
David Mundell reste ministre chargé de l’Ecosse. Il est le quatrième à conserver son poste.
Gavin Williamson : Chief whip. Ancien secrétaire parlementaire de David Cameron, élu pour la première fois au Parlement en 2010.
Patrick McLoughlin Conservative chairman. McLoughlin, élu sous Thatcher, perd son poste aux Transports mais il reste au cabinet et devient Chancellier du Duché de Lancaster.
Ben Gummer, ancien ministre junior de la santé, il est promu ministre chargé du Cabinet.
On retiendra également quelques évictions notables, de personnalités réputées proches de David Cameron.
Georges Osborne, l’ancien chancellier de l’Echiquier qui se voyait volontiers succéder à David Cameron, s’est vu signifier par Theresa May qu’elle ne voulait pas de lui au gouvernement.
Michael Gove, l’ancien ministre de la justice est évincé purement et simplement. Il paie encore sa trahison de dernière minute de Boris Johnson dans la course au Leadership.
Nicky Morgan, ministre contestée de l’Education, qui n’a pas pu mener à bien la privatisation à grand échelle des écoles, se voit débarquée. Les enseignants ne la regretteront pas. Le syndicat des enseignants avait condamné “le climat de terreur et d’intimidation » qu’elle avait instauré.
John Whittingdale, chargé de la culture, n’est pas reconduit. Il était le seul fan de heavy metal du gouvernement.
Oliver Letwin, secretaire du cabinet, part également.
Theresa Villiers, qui était ministre chargée de l’Irlande du Nord, a démissionné et a refusé un poste de ministre junior à l’intérieur.
Mark Harper a démissionné du poste de Chief Whip (secrétaire parlementaire au trésor).
Stephen Crabb quitte le gouvernement en raison d’un scandale sexuel qui a émergé dans la presse.