Au coeur de l’été, Corbyn et ses alliés renforcent leur emprise sur le parti travailliste
Pas plus que l’an dernier, le parti travailliste britannique ne s’accorde de pause. Tout comme en 2015, il est tout entier tourné sur lui-même, occupé à se choisir un nouveau leader. Comme il y a un an, Jeremy Corbyn, candidat de l’aile gauche du Labour, est bien parti pour remporter le leadership et retrouver son mandat de leader. Dans une campagne marquée par l’absence d’opposition sur les questions d’orientation, le débat vire à la bataille de personnes et se trouve scandé par des décisions de justice. Ce 9 août, le membre du parlement pour Islington-North a toutes les raisons de savourer une victoire que ses critiques les plus véhéments ne lui contestent déjà plus.
Lundi 8 août, la cour a retoqué la décision du National Executive Committee (NEC, organe dirigeant du Labour Party) de geler le corps électoral du leadership aux membres inscrits au mois de janvier. Cinq des nouveaux adhérents qui ont rejoint le parti travailliste par la suite avaient saisi la justice pour « rupture de contrat ». Le juge leur a donné raison, permettant à 130,000 personnes de contribuer à l’élection du leader. La commission ad hoc du NEC a annoncé son intention de faire appel, provoquant la colère des proches de Corbyn.
« Il est inadmissible que le parti travailliste utilise l’argent des adhérents pour empêcher les adhérents de voter », a tonné John McDonnell, shadow chancelier de l’Echiquier et bras droit de Corbyn.
La décision du tribunal a été saluée par la gauche travailliste, laquelle considère que les nouveaux électeurs sont, en grande majorité, acquis à sa cause. Cela ne fera pas oublier que Corbyn n’est pas exempt de reproches dans cette affaire. Concentré sur la possibilité que son nom figure sur le bulletin de vote sans parrainages, au titre de leader sortant, il a quitté la réunion du NEC du 12 juillet dernier dès ce fait acquis. Après son départ de la salle des débats, ses opposants ont eu tout loisir de geler le corps électoral à la date du 12 janvier 2016… Ce qui a fini par générer l’action en justice.
De son côté, Owen Smith, membre du parlement pour Pontypridd et rival de Corbyn, s’est également félicité du verdict rendu, saluant le fait que le Labour compte plus de 500,000 adhérents. Il a appelé à ce que le scrutin pour désigner le leader soit décalé afin de permettre aux 130,000 nouveaux électeurs de faire connaissance avec les candidats. Une proposition qui tient compte aussi du fait que les bulletins de vote papier doivent être envoyés aux adhérents à compter du 22 août.
Les propos apaisants du héros des « tout sauf Corbyn » ne sont pas une surprise. Le Gallois reste fidèle à sa tactique : ne pas affronter son adversaire sur le fond mais juste sur sa crédibilité. Un choix qui lui a permis d’enregistrer le soutien de deux syndicats : d’abord le Community steelworkers union, syndicat de la sidérurgie très implanté au Pays-de-Galles, et désormais celui des employés du commerce : Usdaw. Ces soutiens comptent mais ne devraient pas changer grand-chose à un scénario que beaucoup considèrent comme écrit d’avance.
Même les anti Corbyn les plus féroces admettent, en privé, que les jeux sont faits. Parmi les Constituency Labour Parties (CLP, organisations travaillistes de base) qui se sont prononcés, 115 soutiennent Corbyn, 25 ont voté la neutralité et 24 seulement ont opté pour Owen Smith… Confirmant cette tendance, les résultats des élections au National Executive Committee ont été publiés lundi 8 août. Six postes étaient mis en jeu, au titre de la représentation des CLPs. La liste soutenue par les proches de Corbyn a fait carton plein, s’adjugeant les six places vacantes au NEC. Le plus mal élu dispose d’une majorité de plus de 9,000 voix sur la sortante Ellie Reeves, considérée comme proche de la droite du parti.
La gauche travailliste renforce donc son emprise sur le parti. Elle dispose désormais d’une majorité de dix voix au NEC (33 membres dont le leader et le deputy leader). Ce scrutin témoigne aussi de la vitalité de la gauche au sein du Labour, dont une partie se nourrit du légitimisme des adhérents. Le légitimisme est aussi au cœur d’une récente enquête d’opinion qui montre que, en cas de scission du Labour, la grande majorité de ses électeurs continuerait à voter pour le parti travailliste quel que soit celui qui le dirige. Ce sondage montre aussi, comme chacun pouvait s’y attendre, qu’une scission du parti offrirait le pouvoir aux conservateurs pour « une génération ». Pourtant, cette perspective n’est pas complètement à exclure. Chaque camp se renvoie d’ailleurs l’accusation de chercher la rupture.
Quoi qu’il en soit, Corbyn peut désormais affronter le prochain débat (hustings) de la campagne du leadership de manière détendue. Le premier, tenu au Pays-de-Galles, a été l’occasion d’un affrontement de personnes au ton assez aigre, ponctué d’accusations dans les deux sens. Bien que jouant à domicile, Owen Smith a été victimes de quelques huées de la part du public. Il ne devrait pas en aller différemment le 17 août avec le deuxième hustings annoncé dans le Nottinghamshire et qui sera retransmis par la BBC.
Le 28 juillet dernier, le tribunal avait confirmé que le NEC était légitime à inscrire Corbyn sur le bulletin de vote envoyé aux adhérents, même si le leader sortant ne disposait pas de parrainages. Bref, c’est un été plutôt faste pour le vétéran socialiste.
Nathanaël Uhl
Le calendrier du leadership
- 22 juillet – 16 septembre : campagne électorale
- 22 août : envoi des bulletins de vote
- 21 septembre, midi (heure de Londres) : clôture du scrutin
- 24 septembre : annonce des résultats lors de la conférence annuelle du Labour