Entre « purges » et « pénis de 29 pouces », le Labour leadership vire au grotesque
Y a-t-il vraiment une purge des supporters de Corbyn au sein du parti travailliste ? La question est posée alors que les rumeurs agitent Internet outre-Manche. Une semaine après l’envoi des bulletins de vote aux membres du Labour, deux exclusions alimentent l’idée que l’état-major du parti, encore solidement tenu par la droite, se livrerait à une chasse aux sorcières pour empêcher la victoire annoncée du leader sortant et porteur des espoirs de la gauche travailliste. Cette séquence intervient alors que la course au leadership prend un tour si ce n’est grotesque, à tout le moins grand-guignolesque.
Après avoir qualifié Jeremy Corbyn de « déséquilibré mental » lors d’une réunion publique, Owen Smith, candidat au poste de leader du principal parti d’opposition aux conservateurs, a encore perdu une occasion de se taire. Lors d’un rassemblement à Hull, qui a vu l’assistance grimper jusqu’à cent personnes, le membre du parlement pour Pontypridd a pris des questions de la salle. Un des présents lui a alors demandé s’il pouvait lui poser une question personnelle. La réponse du candidat gallois a été tellement alambiquée qu’il a été obligé de préciser qu’il ne parlait pas de son pénis… « C’était une blague sur sa petite taille », a précisé un porte-parole, quand la grande majorité des présents avait compris que, parlant de 29 pouces, il évoquait la taille de son sexe. Auparavant, l’ancien cadre et lobbyiste du groupe pharmaceutique Pfizer avait indiqué ne jamais avoir pris de Viagra parce qu’il « n’en (avait) pas besoin ».
Le débat vole haut… Lors de leur confrontation en Ecosse, les prétendants Corbyn et Smith ont échangé des propos aigres sur la question européenne. Owen Smith a repris l’accusation, formellement démentie par l’intéressé, selon laquelle Corbyn aurait voté en faveur du Brexit. Puis, le débat a porté sur les attaques personnelles. Le challenger a accusé le leader élu de son parti d’avoir taxé un membre conservateur du parlement de « déséquilibré » dans les années 1990, comme pour excuser le fait qu’il ait usé du même vocabulaire contre Jeremy Corbyn.
Au demeurant, il faut rappeler, pour faire bonne mesure, que les groupies de Corbyn ne sont pas avares d’abus en tous genres. Ainsi, Lilian Greenwood, membre du parlement pour Nottingham-South, affirme en avoir fait l’expérience. Après avoir écrit aux membres du Labour de sa constituency les raisons de son soutien à Owen Smith, elle aurait reçu des réponses assez explicites, parmi lesquelles « traître » est une des plus polies. Un de ses interlocuteurs lui aurait suggéré d’aller « se faire foutre ».
Mais il y a plus grotesque encore. Selon des sources convergentes, relayées par le tabloid conservateur The Daily Mail, une membre du Labour, connue pour son engagement en faveur de Jeremy Corbyn, aurait été radiée des listes électorales pour avoir publié sur les réseaux sociaux son amour pour… le groupe Foo Fighters. Un groupe que le deputy leader, Tom Watson, avoue, sur les mêmes plateformes numériques, adorer…
Plus sérieusement, deux personnalités de la gauche travailliste et adhérents de très longue date ont été également rayées des listes, sans explication. John Dunn, militant du collectif Orgreave Justice Campaign, qui se bat pour rétablir la vérité quant au rôle de la police dans la répression des mineurs lors des grèves de 1984, a été exclu du Labour. Quelques jours plus tard, c’est le secrétaire général de la Bakers, Food and Allied Workers Union, Ronnie Draper, qui s’est vu privé de droit de vote. Les deux n’auront qu’à attendre quelques semaines pour être réintégrés dans leurs droits. Le congrès prévu le 24 septembre devra, outre l’intronisation du leader élu, procéder à la mise en place du nouveau National Executive Committee (NEC, organe de régulation du Labour) après que la liste de candidats soutenue par Corbyn ait fait carton plein.
Mais l’occasion est trop bonne pour que la gauche du parti ne la rate. Elle crie à la « purge » et à la « chasse aux sorcières ». Tout comme elle l’a fait en 2015 quand quelques personnalités en vue de la gauche avaient été écartées dont Mark Serwotka, le très à gauche leader de PCS Union. Au final, Corbyn l’avait emporté par 59.5% des voix. Pour les proches du membre du parlement pour Islington-North, tout est bon pour mobiliser. Surtout quand la bêtise des technocrates du parti permet d’agiter les symboles. En l’occurrence, un ancien mineur et un dirigeant syndical. C’est vrai que l’occasion est belle.
Proche de Corbyn, le membre du parlement pour East-Leeds, Richard Burgon, ne l’a pas manquée. Dans un communiqué, il a fait valoir :
L’exclusion de la sphère politique des militants socialistes défendant les intérêts de la classe ouvrière constitue une tendance à long terme. Il est triste que bien souvent, ceux qui se font les champions d’une politique plus représentative ont laissé faire – voire même aidé – au développement de cette tendance.
Cette généralisation à partir de faits réels mais bien moins importants qu’annoncés n’est pas anodine. Elle prépare aussi le coup d’après. En accusant l’appareil du Labour de tenter d’empêcher la victoire annoncée de son représentant, la gauche travailliste ouvre la voie à un coup de balai parmi les permanents du parti. Iain McNicol, secrétaire général du parti, est en première ligne depuis qu’il a mené, au nom du Labour, la bataille juridique pour empêcher 130,000 nouveaux adhérents de voter. Mais il ne sera pas le seul.
En septembre 2015, Corbyn avait refusé de se livrer à une chasse aux sorcières. Un an et plusieurs rebellions du Parliamentary Labour party plus tard, il n’est pas aussi évident que l’affable socialiste se montre aussi détaché vis-à-vis des questions d’encadrement et de structuration de l’appareil du parti.