Theresa May présente un budget en demie teinte pour anticiper le Brexit
Des paroles aux actes. Le chancelier de l’Echiquier Philipp Hammond a présenté aujourd’hui le premier budget du gouvernement de Theresa May. Il est tout entier tourné vers la préparation du Brexit. Hammond ne cache pas que son objectif est de disposer d’un trésor de guerre de 60 milliards de livres en 2020, pour accompagner la sortie effective de l’Union européenne. C’est aussi un budget de volontarisme politique tant il repose sur des projections contradictoires. Les libéraux en seront pour leur compte : ce sont 100 milliards de livres qui iront alourdir la dette britannique en 2020. Et par ailleurs, les taxes augmentent.
Oh, certes pas pour les grandes entreprises. Mais, ^pour boucler son premier budget, le duo Hammond-May a décidé d’accroître de 10% le taux des taxes sur les auto-entrepreneurs. Une annonce en rupture avec le « tax lock » (le gel des taux de taxation) cher à Osborne et qui a amené le parti travailliste à dénoncer une mesure qui ne figure pas le manifesto des conservateurs. En Grande-Bretagne, on ne rigole pas avec les promesses électorales. Ce qui n’est pas écrit dans le Manifesto, le programme électoral, peut très bien se voir retoquer par le parlement. En revanche, ce qui y est doit, forcément, être mis en œuvre. Ou presque.
C’est pourquoi Hammond a pris le temps de répondre avec précision en arguant que le tax lock devait être analysé sur l’ensemble du mandat et pas année par année. Etant entendu que la sugar tax, la taxe sur le taux de sucre dans les boissons commercialisées, elle, relève de la santé publique. Elle échappe donc au verrou. Autre entorse à la doxia libérale, ce budget rajoute « deux milliards sur trois ans » aux budgets sociaux et le NHS voit son budget « boosté » de 325 millions. Des annonces dont l’impact est minimisé par tous les observateurs, sauf la presse Murdoch. Dans l’ensemble, les coupes budgétaires sont maintenues.
En présentant son premier exercice, Philipp Hammond a tenu à se féliciter de ce que la Grande-Bretagne connaisse le « deuxième meilleur taux de croissance des grandes économies » après l’Allemagne. La pluie de grenouilles qui devait s’abattre sur le Royaume-Uni après le référendum n’est effectivement pas au rendez-vous. La livre sterling continue de baisser avec régularité, renchérissant le coût des importations et, surtout, celui des fruits et légumes. C’est peut être un détail mais, privée d’agriculture vivrière, les îles britanniques paient désormais le prix fort pour se nourrir correctement.
Témoin de cette situation, l’inflation a dépassé la barre symbolique des deux points, à 2.4% et les projections convergent pour un maintien, au moins, à 2% de hausse pour 2018 et 2019. La croissance, elle, devrait atteindre 2% cette année et se tasser autour de 1.6 à 1.9% les années suivantes. C’est sur la base de ces prévisions que Hammond a bâti son budget cette année, pas sur celles de l’OCDE qui annonce que le Royaume-Uni verra sa croissance inférieure de 1 point à celle du G7. Il a tenu à souligner que les annonciateurs de malheur s’étaient fourvoyé mais a tout de même souligner qu’il se fixait comme objectif de mettre 60 milliards de livres de côté pour préparer le Brexit.
Ce n’est pas forcément le meilleur moyen de calmer les inquiétudes du public, inquiétudes dont il a reconnu l’existence et, à mots couverts, le bien fondé. Entre les lignes, il a concédé que l’économie britannique allait naviguer à vue pendant les années de négociations avant la sortie effective de l’Union européenne. Et il n’a pas esquivé un point majeur, la dette Britannique va gonfler de 100 milliards de livres de plus que prévu, avant le Brexit. Et ce, même si l’emprunt annoncé pour 2017, lui, sera inférieur aux estimations initiales. Le déficit public, qui devait être réduit à zéro en 2015 puis en 2020, le sera peut être au milieu du prochain mandat, donc vers 2022-2023.
Pour l’opposition, ce budget contradictoire s’est révélé dur à attaquer. Pour le parti travailliste, Jeremy Corbyn a dû se contenter de grandes déclarations de principes.
« La première ministre a pris son poste en promettant de s’attaquer aux injustices criantes. Aujourd’hui, nous sommes le seul pays où la croissance est revenue mais où le salaire moyen est toujours inférieur à ce qu’il était en 2008. »
Etonnamment, le leader de l’opposition n’a pas attaqué la mesure la plus typée idéologiquement de ce budget. Hammond a en effet annoncé le déblocage de 320 millions de livres en faveur de 110 écoles libres (« free schools »), particulièrement sélectives et qui sont au coeur du système de classes britannique.