Législatives anticipées le 08 juin 2017. May frappe un Labour à terre
« Un pays uni, un parlement divisé » Ce 18 avril, Theresa May dévoile son storytelling afin de justifier son retournement de veste concernant les élections générales. Elles auront lieu le 8 juin prochain, un mois après les élections locales. Ce faisant, Theresa May brise une promesse qu’elle a faite depuis sa nomination à cinq reprises. Le 19 mars encore, Downing Street qualifiait l’hypothèse d’élections anticipées comme « insensée ». Aujourd’hui, elle prend prétexte des divisions au parlement et, notamment, de l’attitude des partis d’opposition lors du débat sur le Brexit. Selon elle, les partis de l’opposition ont tout tenté pour faire dérailler un processus en faveur duquel une majorité de Britanniques s’est prononcée.
« Ces dernières semaines, le Labour a menacé de voter contre l’accord final avec l’Union Européenne. Les Libéraux-Démocrates ont déclaré leur intention de bloquer le fonctionnement du gouvernement (…) Le Scottish National Party a annoncé qu’il votera contre la législation révoquant formellement l’appartenance britannique à l’Union Européenne. Et des membres non élus de la Chambre des Lords ont émis le vœu de nous combattre pied à pied. Nos opposants sont persuadés que parce que la majorité gouvernementale est faible, notre détermination le serait tout autant et qu’ils pourraient nous forcer à changer d’orientation. Ils ont tort », a résumé la Première ministre britannique.
Par conséquent, Theresa May a annoncé la convocation d’élections générales le 8 juin 2017. Dans la foulée de cette déclaration, le Parlement va se réunir et voter un texte de loi en ce sens. La cheffe du gouvernement doit réunir les deux tiers des suffrages à la Chambre des Communes. Compte tenu des réactions politiques, l’issue ne fait guère de doute.
Ce que Theresa May souhaite avant tout, c’est solder l’héritage du manifeste de David Cameron, ne plus avoir les mains liées par les promesses de son prédécesseur. Cette décision intervient également à la suite d’une série de sondages qui placent les conservateurs loin devant le Labour. Dans ce contexte, pourquoi Theresa May se priverait-elle de frapper un parti d’opposition divisé et dont la dynamique électorale est au point mort ?
Par ailleurs, une victoire électorale en juin prochain aurait plusieurs avantages. En premier lieu, elle ferait tomber l’enquête policière sur les dépenses électorales des conservateurs dans une douzaine de circonscriptions et cela ferait disparaître la menace qui pèse actuellement sur sa majorité d’une dizaine sièges.
En outre, la réforme en projet de la taille de la Chambre des communes ne sera pas mise en oeuvre avant les élections générales. Le projet de passer de 650 à 600 élus, avec une nouvelle majorité renforcée pour les tories, a plus de chance de passer aux oubliettes. A contrario avec une majorité projetée de 112 sièges, la réforme électorale pourrait passer plus facilement. On peut supposer qu’elle ne se privera pas d’avoir cette épée de Damocles à disposition.
Enfin, elle reporte de quelques années les élections générales qui suivront l’issue des négociations avec l’Union Européenne, issue passablement incertaine.
L’effet de surprise est relatif.
L’annonce n’est pas totalement surprenante. Malgré les assurances réitérées par Theresa May, tous les partis d’opposition se préparaient à cette éventualité. Le plupart d’entre-eux n’ont guère intérêt à se plaindre de la manoeuvre du gouvernement. Autant entrer en campagne pour s’affirmer comme alternative.
Le leader du Labour Jeremy Corbyn a annoncé que le parti soutiendrait le gouvernement dans un vote parlementaire en faveur de la convocation d’élections générales. « Je salue la décision du Premier Ministre de donner la chance au peuple britannique de voter pour un gouvernement qui donnera la priorité à l’intérêt de la majorité de la population. » L’appui du Labour est décisif pour atteindre la majorité des deux tiers.
“Le Labour va offrir au pays une véritable alternative à ce gouvernement qui a échoué à reconstruire l’économie, qui a fait baisser le niveau de vie, et endommagé nos écoles et hôpitaux. Ces dernières semaines, le Labour a dévoilé des propositions qui offrent un choix clair et crédible pour le pays », a encore précisé le leader de l’opposition. Au moment de la déclaration de Jeremy Corbyn, un de ses opposants, élu de Middlesbrough South and East Cleveland, Tom Blenkinsop a annoncé qu’il ne se représenterait pas. La dernière élection intermédiaire locale a été marquée par la perte d’un conseiller au profit des tories.
Andrew Gwynee, le responsable du Labour pour les élections, a déclaré en mars dernier que les travaillistes se préparent à des élections générales depuis la fin décembre 2016. John McDonnell, le principal allié de Corbyn, a abondé en ce sens en évoquant un trésor de guerre de plusieurs millions dans cette éventualité.
Dave Ward, secrétaire général du syndicat CWU, a lui aussi « salué l’opportunité de combattre en faveur d’une nouvelle orientation politique. C’est une chance que le mouvement travailliste doit saisir pour se battre pour des changements profonds. Les salariés sont sous pression comme jamais. Le NHS est de nouveau dans une situation critique. Une génération entière est privée de logements décents, de pension et de services de soins. Ce sont des problèmes que nos adhérents connaissent bien. Nous avons besoin d’une nouveau deal pour les salariés, un pays qui qui fonctionne pour les millions et non pour les millionnaires. C’est pour cela que nous devons nous battre. Et c’est aussi pour cette raison que nous avons besoin de soutenir le Labour et Jeremy Corbyn. »
Du côté du SNP, qui représente la troisième force à la Chambre des Communes, Nicola Sturgeon, leader du parti, a dénoncé une manoeuvre électorale. « Theresa May cherche à broyer l’opposition. Elle n’agit pas dans l’intérêt du pays mais de son parti pour avoir les mains libres et mettre en oeuvre une politique d’austérité. Cette élection va déterminer l’orientation future de l’Ecosse. » La posture de la nationaliste écossaise masque mal la manière dont son parti se réjouit, en fait, de la situation. Ainsi, le leader du SNP à Westminster, Angus Robertson a déclaré sur Sky News: “Notre position dans les sondages en Ecosse est extrêmement forte (47 %). Les gens peuvent voter SNP ou pour les tories. Les lib Dems et le Labour sont finis en Ecosse. »
Pour les nationalistes gallois, Leanne Wood, a relevé : « Plaid Cymru est uni et nous sommes prêts pour cette opportunité de défendre les intérêts du Pays de Galles. Plus il y aura d’élus Plaid Cymru, plus forte sera la voix du Pays de Galles. L’opposition officielle est divisée et incapable de se mettre d’accord sur les décisions importantes. Plaid Cymru sera une opposition efficace face aux conservateurs. »
En Irlande du Nord, le Sinn Fein se déclare prêt à affronter le scrutin tandis que les unionistes du DUP veulent faire des élections générale un référendum pour rester dans le Royaume Uni.
Paul Nuttall, leader de UKIP, a souligné que la convocation des élections anticipées est uniquement motivée par la faiblesse du Labour Party.
Nick Clegg, l’ancien leader des Lib-Dems, a voulu la jouer modeste: “Nous ne pourrions pas faire pire qu’aux élections précédentes, alors bien évidemment je saluerais des élections anticipées ». Son successeur, Tim Farron, montre les muscles, annonçant 1.000 adhésions au parti depuis la déclaration de Theresa May. Ce scrutin est selon lui « une chance pour changer le pays de direction. Si vous voulez éviter un Brexit désastreux, si vous voulez conserver le Royaume-Uni dans le marché unique, si vous voulez une Grande-Bretagne ouverte, tolérante et unie, c’est votre chance ». Et Tim Farron se présente comme le seul capable d’empêcher une majorité conservatrice.
The Green party s’est déclaré comme les autres, prêt pour des élections anticipées. Co-leader Caroline Lucas a affirmé: « La Grande-Bretagne est à un carrefour et l’annonce d’aujourd’hui nous donne la parole sur la direction prise par le pays. Seul le Green Party offre une vision forte et positive. A cette élection, nous soutiendrons une économie qui fonctionne pour tous, et non pour quelques privilégiés; une Grande-Bretagne ouverte au monde et la protection de notre précieux environnement. Nous nous élèverons contre les politiques de haine et de divisions qui effraient nos communautés et donnerons la chance aux citoyens à travers le pays de voter pour une meilleure Grande-Bretagne. »
Au delà de ces déclarations d’intention, le scrutin n’est pas totalement sans risque pour Theresa May, les élections locales du 4 Mai feront office de premier tour.
Silvère Chabot