Theresa May à quitte ou double face aux parlementaires conservateurs
Lundi 12 juin, la première ministre britannique sera fixée sur son sort. Au regard d’un week-end catastrophique, Theresa May apparaît de plus en plus comme une « morte en sursis », selon les termes de l’ex numéro deux de David Cameron, George Osborne. Initialement prévue mardi 13, la rencontre de l’encore leader des tories avec le puissant 1922-Committee, le groupe des élus conservateurs à la Chambre des Communes, a été avancé d’un jour.
C’est peu de dire que Theresa May ne va pas y arriver dans les meilleures conditions. Mise en cause personnellement par les barons conservateurs dans la perte de la majorité dont disposait le parti bleu, elle s’est séparée, en catastrophe, de ses deux principaux conseillers dès samedi. Promoteurs d’un « red toryism » (un « conservatisme rouge » qui a inspiré son discours de politique générale), Fiona Hill et Nick Timothy ont été priés de présenter leur démission. Ce qu’ils ont fait, revendiquant les erreurs imputées à leur ancienne patronne.
Ces deux départs répondent à une pression croissante des backbenchers conservateurs qui accusaient les conseillers d’autoritarisme voire d’infantiliser les membres du parlement. Certains membres du cabinet ont même mis en balance leur soutien à la première ministre avec un remaniement du premier cercle de cette dernière.
Si cela ne suffisait pas, la construction de l’accord avec les Nord-Irlandais du Democratic unionist party (DUP) a viré à la farce. Alors que le staff du 10 Downing street espérait une coalition, le DUP a préféré un accord a minima, dit de « confiance », laissant le gouvernement à la merci de ses alliés.
Le parti unioniste, considéré comme proche de l’ordre d’Orange, une faction protestante extrémiste, a par ailleurs infirmé dimanche la conclusion d’un accord avec Theresa May, évoquant des discussions toujours en cours. Le hic demeure que la première ministre avait communiqué, la veille, en affirmant que le deal était finalisé.
Pour conclure un week-end chaotique au possible, l’encore occupante de Downing Street s’est trouvée confrontée à une fronde menée par la nouvelle héroïne des conservateurs. La leader des scottish tories, Ruth Davidson, forte de ses 13 membres du parlement conquis sur le SNP a mis en garde sur les conséquences d’une alliance avec les unionistes nord-irlandais, dont les positions homophobes et opposées à l’avortement heurtent les conservateurs écossais, plus libéraux que leurs cousins du sud du mur d’Hadrien.
Poussant son avantage, Ruth Davidson n’a pas manqué de rappeler qu’elle allait se marier avec sa compagne, une Irlandaise catholique. Elle a enfoncé le clou en suggérant, amicalement, à Theresa May de réfléchir à nouveau à la sortie du marché unique. Une manière de se distancer de la ligne de Brexit dur qu’a, jusque là, mise en oeuvre la première ministre.
Dans ce contexte de tensions internes paroxystiques, Theresa May tente de conserver la main en formant son nouveau gouvernement. Une tentative de quitte ou double avant d’aller affronter les bakbenchers lundi à 5 heures de l’après-midi. Ses premières nominations confirment qu’elle entend donner des gages à ses détracteurs.
Ainsi, elle a promu Damian Green, qui passe du Travail à Premier secrétaire d’Etat, virtuellement vice-premier ministre. Damian Green est connu pour ses positions très europhiles. Ce choix a aussi vocation à empêcher l’ambitieux Boris Johnson de se présenter face à elle dans un éventuel leadership anticipé. Gavin Barwell, un autre membre de l’aile libérale et pro-européenne des conservateurs, est promu chef du cabinet.
Ces manoeuvres permettront-elles à Theresa May de se maintenir au pouvoir ? La question sera tranchée dans quelque 24 heures. Les sources proches du 1922-Committee laissent entendre que rien n’est joué. « La première ministre devra réaliser une prestation de très haut niveau », prévient un de ses membres les plus influents. La base conservatrice n’a toujours pas digéré le retournement de situation qui a vu les tories passer de la perspective d’une majorité à plus de 100 sièges à un gouvernement minoritaire.
Pendant ce temps, Jeremy Corbyn, le leader de l’opposition, joue sa carte avec audace. Ce dimanche, il a annoncé qu’il prononcera un « Queen’s speech » (un discours de politique générale) alternatif, ouvrant la voie à un gouvernement travailliste minoritaire. Il a appelé les partis opposés aux conservateurs : Greens, Lib-Dem, SNP et Plaid Cymru, à prendre leurs responsabilités en ce sens.
Le leader travailliste est conforté par plusieurs éléments. Outre la mobilisation populaire contre la perspective d’un gouvernement tory soutenu par le DUP, les sondages lui sont plus favorables que jamais. La dernière enquête publiée par l’institut Survation, l’un des deux à avoir annoncé le parlement suspendu, place le Labour en têtes des intentions de vote avec 45%.
La semaine qui commence s’annonce riche en rebondissements.