Les tories sacrifient un milliard de livres et la paix civile en Irlande du nord pour un accord avec le DUP
Le Democratic unionist party (DUP) maîtrise l’art de la dramaturgie. Après avoir tenu les conservateurs en haleine pendant plus de deux semaines, le petit parti unioniste nord-irlandais a finalement accepté le deal proposé par Theresa May. Contre la bagatelle d’un milliard et demi de livres sterling, officiellement consacrés à des investissements dans les infrastructures des 6 comtés de l’Ulster, la première ministre a obtenu un accord officiel de confiance et de soutien, qui lui garantit une majorité sur ses textes de loi les plus emblématiques.
La négociation avec le parti protestant lié à l’ordre d’Orange et aux groupes paramilitaires unionistes a ajouté un milliards de livres à une première concession de 500 millions. Il est probable que le parti dirigé par Arlene Foster ne s’arrête pas à cette enveloppe.
« Le DUP demandera davantage… encore et encore… il a des antécédents en la matière », a ainsi déclaré l’ancien Secrétaire permanent au Trésor, Nicholas Macpherson.
Les unionistes n’ont pas nié. Bien au contraire. Au grand dam du quotidien conservateur The Daily Telegraph, ils laissent entendre qu’ils pourraient présenter de nouvelles demandes dans les semaines et mois à venir. Officiellement pour « soutenir les communautés parmi les plus défavorisées du pays ».
En échange du soutien à son Queen’s speech, Theresa May a également dû abandonner ses projets controversés pour en finir avec le « triple verrou » sur les pensions, qui garantit la revalorisation des retraites par capitalisation. Une concession qui a amené Nigel Dodds, vice-leader du DUP, à affirmer :
« Cet accord bénéficiera à tout un chacun en Grande-Bretagne et en Irlande du Nord ».
Il bénéficie surtout à deux formations politiques en grandes difficultés dans leurs parlements respectifs. Les tories peuvent, désormais, souffler un peu : ils ont une majorité pour faire voter le Queen’s speech. Le DUP pourra revenir au siège de l’Assemblée législative nord-irlandaise avec un petit trésor de guerre, qu’il saura monnayer politiquement alors que les nationalistes du Sinn Féin n’ont plus qu’un siège de retard face à leurs ennemis unionistes.
Mais ces soulagements risquent de n’être que de courte durée. D’abord, l’Irlande du Nord n’a toujours pas de gouvernement régional depuis mars 2017. Les deux forces politiques principales : DUP et Sinn Féin ne parviennent toujours pas à trouver un accord de gouvernement conforme à la plateforme de partage du pouvoir signée en 2007.
Au vu de la réaction des nationalistes irlandais, il semble que l’alliance DUP-Tories puisse sérieusement envenimer le climat local. Gerry Adams, président du Sinn Féin, n’a pas caché sa colère :
« Le prix de l’alliance de ce jour est le soutien du DUP à l’austérité décidée par les conservateurs et donc aux coupes dans les services publics. Cette alliance donne un chèque en blanc à un Brexit qui bat en brèche les accords du Vendredi saint. »
Du côté de Westminster, il va falloir à Theresa May de l’énergie pour encaisser les critiques des chefs de gouvernement gallois et écossais. Premier ministre du Pays-de-Galles, le travailliste Carwyn Jones a parlé d’un accord « scandaleux » dont le rôle est de « maintenir en place un premier ministre affaibli et un gouvernement chancelant en fonction ».
Son homologue écossaise, Nicola Sturgeon, s’est ému que le milliard de livres supplémentaire accordé à l’Irlande du nord rompt avec la règle de redistribution équitable entre les trois régions bénéficiant de la dévolution.
« En concluant cet accord sordide, les tories montrent qu’ils sont prêts à tout pour rester au pouvoir – même à piétiner les règles élémentaires de la dévolution ».
Dans ce contexte, les travaillistes n’ont même pas eu à sortir l’artillerie lourde. Ils se sont contentés de faire du judo. Pendant la campagne électorale, les tories avaient brocardé le programme jugé « dispendieux » du Labour, arguant du fait qu’il n’existait pas de « magic money tree » (un arbre magique dont les fruits seraient de l’argent) pour financer les services publics et les infrastructures.
L’argument du « magic money tree » leur est revenu comme un boomerang dès la conclusion de l’accord avec le DUP.