Remaniement gouvernemental : Theresa May échoue à reprendre la main
Theresa May tente de prolonger son bail au 10 Downing Street. Controversée depuis sa décision de convoquer des élections générales anticipées qui l’ont vue perdre la majorité absolue, la première ministre britannique a terminé l’année 2017 avec un « succès » sur la scène internationale. Elle a obtenu un accord avec l’Union européenne sur la phase une des négociations sur le Brexit. Forte de ce qui est présenté comme une victoire personnelle, elle a tenté de pousser son avantage en remaniant son gouvernement. Elle a réussi à imposer des changements à la tête du parti conservateur mais bien peu au sein de son cabinet.
La première nomination a été, en effet, celle du nouveau président des Tories. Brandon Lewis, ancien ministre de l’Immigration, remplace Patrick McLoughlin, « démissionnaire » en raison de la campagne calamiteuse du printemps dernier. Si la leader des conservateurs n’en prend pas la responsabilité, c’est le chef du parti qui joue le rôle de fusible. McLoughlin était en poste depuis huit ans. Selon des sources proches, il aurait proposé sa démission en septembre 2017, laquelle aurait été alors refusée en attendant un remaniement.
Membre du parlement pour Great Yarmouth, Brandon Lewis a joué un rôle clé dans la campagne pour le leadership de Theresa May. Il sera épaulé à la tête du parti par le backbencher James Cleverly, qui est nommé deputy chairman. Très apprécié des membres conservateurs du parlement, Cleverly est aussi connu pour son activité sur les réseaux sociaux. Chris Skidmore, étoile montante des conservateurs et ministre en charge des affaires constitutionnelles, prend la vice-présidence du parti pour les affaires politiques. Huit autres vice-présidents ont été nommés à l’occasion.
Ces mouvements à la tête devraient se poursuivre par des changements au sein du quartier général tory. Il n’est pas sûr que l’actuel directeur politique, Iain Carter, voit son poste se pérenniser. Il est à l’origine de la bourde du jour. Il a fait fuiter aux membres du parlement et à la communication tory l’information selon laquelle Chris Grayling prendrait la tête du parti. Une annonce suivie d’une suppression de tweet particulièrement mal à propos. Toutes les informations qui ont suivi ont été prises avec des pincettes.
Signe que le remaniement n’est pas signe de force ni de stabilité, la communication de Downing Street a raté les journaux de 13h avec ce qui en aurait été le titre principal. Elle a dû aussi effacer un tweet annonçant la nomination de Bradley Lewis, en raison d’une faute d’orthographe. La presse de gauche a placé la journée sous les auspices d’un remaniement chaotique, en écho à la coalition chaotique entre les tories et les nord-irlandais du Democratic Unionist Party.
Les nominations à la tête des Tories équivalent aussi, pour trois d’entre-elles, à des départs du gouvernement. Chris Skidmore quitte son poste, de même que Marcus Jones aux communautés et Andrew Jones, membre de l’équipe du Trésor. Autre départ, pour raison de santé cette fois, James Brokenshire a quitté ses fonctions de Secrétaire d’Etat pour l’Irlande du nord.
Sur le fond, Theresa May a rajeuni la direction du parti conservateur, plaçant ses proches. Elle suit, en cela, les conseils avisés de William Hague, leader des tories de 2007 à 2010 et Foreign secretary de 2010 à 2014, sous l’autorité de David Cameron. Il semble que l’ancien tenor tory ait conservé l’oreille de son ancienne collègue. Au demeurant, ce remaniement était rendu nécessaire par la démission de Damian Green, First Secretary of State et de facto vice-premier ministre, tant il était proche de Theresa May.
David Lidington prend la succession de Damian Green comme Minister for Cabinet office, un rôle clé dans le gouvernement, puisqu’il coordonne les travaux des différentes commissions parlementaires et départements ministériels. Selon les services du 10 Downing Street, il la remplacera lors de la séance des Questions au premier ministre. En revanche, il n’a pas la charge de First Secretary of State. Il quitte donc le département de la justice qui connaît avec David Gauke son quatrième secrétaire d’Etat en dix-huit mois, le sixième en sept ans…
Stabilité en revanche du côté des poids-lourds du gouvernement. Amber Rudd, considérée comme proche de Theresa May, demeure en poste à l’Intérieur. Pour ne pas froisser les partisans du soft Brexit, Philip Hammond conserve la chancellerie de l’Echiquier ; pour ne pas heurter les tenants du hard Brexit, Boris Johnson demeure aux Affaires étrangères. Malgré ses couacs sur le dossier, David Davis est confirmé comme secrétaire d’Etat en charge du Brexit. Ces choix confirment que le remaniement est, essentiellement, motivé par des considérations de politique interne aux Tories.
Le maintien de Philip Hammond infirme, en revanche, le regain d’autorité de Theresa May. Elle souhaitait s’en débarrasser depuis plusieurs mois. Le chancelier de l’Echiquier doit également son maintien au plutôt bon accueil dont a bénéficié, parmi les conservateurs, son budget d’automne. Fragilisé par le drame de Grenfell Tower, Sajid Javid devient secrétaire d’Etat au logement, aux Communautés et aux autorités locales… Il ne change pas de département mais voit le logement affirmé dans ses prérogatives. La communication, c’est aussi de la politique…
Jeremy Hunt, le très controversé secrétaire d’Etat à la santé, a passé plus d’une heure dix au 10 Downing Street pour plaider sa cause. Au même moment, une question urgente du travailliste Jon Ashworth sur la crise du NHS était à l’ordre du jour de la Chambre des Communes… Résultat, il ajoute à son portefeuille de Secrétaire à la santé celui de l’action sociale. Il pourrait donc prendre la responsabilité du déploiement de Universal Credit. Au vu de sa manière de gérer la crise des Junior Doctors, c’est son goût pour la manière forte qui a été récompensé.
Remarqué pour avoir participé au séminaire de la fraction parlementaire de la CSU, où il a pu croiser Viktor Orban, le premier ministre hongrois, Greg Clark conserve le secrétariat d’Etat à l’Economie, à l’Energie et à la stratégie industrielle. Là encore, le choix de Theresa May défie les prédictions les plus sérieuses.
En fait, la première ministre a surpris les observateurs par la modestie de son remaniement. La presse annonçait ce matin qu’un quart des ministres pourrait changer. Elle n’a guère pu faire bouger les lignes qu’au sein du parti conservateur. Il faut reconnaître que, selon toute vraisemblance, quelques tenors ont refusé de changer de place. Ainsi, de Jeremy Hunt qui a strictement refusé de céder son portefeuille à Greg Clark, exigeant au contraire l’extension de celui dont il disposait. A défaut de montrer sa force, la première ministre est contrainte à la stabilité.