Le parti europhobe UKIP plonge en plein psychodrame
Le week-end n’a pas été de tout repos pour le parti europhobe UKIP. Quatre mois après s’être doté d’un leader en la personne de Henry Bolton, les cadres de l’organisation ont voté, dimanche, une motion de défiance. Un congrès doit être donc réuni dans les 28 jours pour trancher le sort de l’ancien soldat. Pendant ce temps, Nigel Farage, chef aussi historique que démissionnaire du parti, mènerait des discussions en vue de « créer un nouveau mouvement« . L’intéressé dément et compare Bolton à Jeremy Corbyn, confronté à une motion de défiance de ses membres du parlement en 2016. A quatre mois des prochaines élections locales, cette nouvelle crise obère les chances de remontée.
Tout commence le 14 janvier quand Jo Marney, la petite amie du leader de UKIP, tweette à propos de Meghan Markle, la nouvelle fiancée américaine et métisse du prince Harry. L’ex model estime que la future princesse va « teindre » la famille royale « avec sa graine« , ouvrant la voie à « un roi noir ». Henry Bolton a immédiatement rompu avec Jo Marney mais refuse alors de quitter son poste de leader de UKIP.
Un refus qu’il a réitéré dimanche après une réunion houleuse du National Executive Committe du parti connu pour ses positions anti immigration. Confronté à une vague de départs bruyants, Henry Bolton s’est vu proposer une sortie honorable en échange de sa démission. Une suggestion qui est intervenue après une critique en règle de ses quatre premiers mois à la tête de la formation. « La presse parle plus de la vie privée du leader que de l’action du parti » constitue l’accusation centrale des frondeurs.
Le refus de partir en douceur de Bolton contraint UKIP a débouché sur une motion de défiance. Elle a été votée à l’unanimité du National Executive Committee. Un congrès extraordinaire doit être désormais convoqué dans un délai de 28 jours pour décider de l’avenir du leader. S’il venait à perdre, il sera très certainement exclu.
Depuis le Brexit et le départ de son chef historique Nigel Farage, UKIP n’est pas parvenu à sortir d’une crise politique mais aussi de leadership. Personne ne semble en capacité de disposer de l’autorité de celui qui est devenu depuis animateur sur la radio LBC. De 4 millions de voix en 2015 à 600,000 en 2017, les résultats des élections générales sont sans appel. Une partie notable des électeurs semblent revenus à leurs premières amours, majoritairement conservatrices, depuis que Theresa May a endossé les habits du Brexit. Les scrutins partiels invalident l’idée d’une possible remontada dans un avenir proche. Plus à droite, les petites formations s’activent à finir de dépecer le cadavre encore chaud.
Conséquence directe : les donations sont également en berne et l’organisation d’une nouvelle élection pour désigner un leader pourrait pousser le parti à la banqueroute. Le millionnaire Arron Banks, qui a été pendant longtemps le mécène de UKIP, a rompu ses relations avec le parti. Selon l’organisation, il aurait été suspendu ; le magnat des assurances affirme être parti de son plein gré pour former un nouveau mouvement.
Banks discuterait de cette perspective avec Nigel Farage, ce que l’eurodéputé dément. Il a d’ailleurs profité de son show lundi 22 janvier pour renouveler son soutien à Henry Bolton, qu’il avait adoubé lors du dernier leadership en date. Il a comparé la situation de son successeur à celle du leader du Labour en 2016 :
« Alors que les porte-paroles du parti démissionnent les uns après les autres, je me souviens du cauchemar qu’a vécu Jeremy Corbyn quand 21 membres de son shadow cabinet sont partis ».
Farage en a aussi profité pour donner quelques conseils à Bolton. Il lui suggère de « réformer » UKIP en dotant le parti de nouveaux statuts, de l’adapter à l’ère numérique et de reprendre la tête du mouvement en faveur de la sortie de l’Union européenne. C’est un programme de congrès que Farage offre, clés en mains, à son poulain. Reste à savoir si la base continuera à faire confiance au grand ancien.
Il existe aussi une autre possibilité. En poussant Bolton à tenir jusqu’au bout, Farage pourrait bien chercher à pousser la crise jusqu’à son dénouement : une explosion du parti. Il aurait alors toute latitude de déployer le projet « UKIP 2.0 » cher à Arron Banks.